Rugby, la légende Coupe du monde, 2007 : Dernier tango à Paris

C’était il y a 16 ans, le Vestiaire existait déjà ou à peine, la plume du mythique Peyo Greenslip avait dressé l’acte de décès de la génération Laporte qui ne gagnerait donc rien de plus que les précédentes et n’irait même pas en finale.

Première publication en septembre 2007 au lendemain de France-Argentine (12-17), en match d’ouverture de la Coupe du monde.

Par Peyo Greenslip

« Surtout ne pas se mentir ». Alors, mon bon Jo, puisque tu nous en pries, ne soyons pas Maso mais juste réalistes. L’équipe de France est passé au travers de son entrée en lice dans le Mondial, faisant ressurgir un avatar de ce mal si Français, l’incapacité de faire face à la pression d’une étiquette de favori si vite collée. On croyait les rugbymen préservés de cette affliction. Mais leur tour d’Ivoire de Marcoussis n’aura pas suffi à éloigner les affres d’une médiatisation inédite dans le monde de l’Ovalie. Au contraire, ça les a tués. Car si les Bleus se sont inclinés hier soir, ce n’est sûrement pas à cause de Pumas sobres mais, pour autant, loin du génie.

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Cyril Despres : « De Loeb au crepuscule »

Pourquoi le Dakar hispanophone passionne-t-il toujours autant les foules ? Le Vestiaire, qui possède à peu près autant d’adeptes désormais, avait répondu à la question il y a bien longtemps avant de presque rencontrer Despres. Ou de loin.

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C’est dans son si cher Sahara chilien que Cyril Despres nous avait reçu, la barbichette frissonnante, dans la case au toit de chaume qu’il partageait avec Shakira à la périphérie de Lima.

QUESTION : Cyril, que retenez-vous après tant d’années à arpenter les pistes du Dakar ?
CYRIL DESPRES : J’ai pris conscience cette année de l’impact du réchauffement de l’effet de serre. Le paysage change à une vitesse folle. Prenez Dakar (ndlr : il pointe son doigt vers l’extérieur). Il y a quelques années à peine, on pouvait voir le Lac Rose là-bas. Il n’y a plus rien maintenant. Parti. Evaporé. Pschitt !

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Dakar : perdus dans le dessert

Sportif polyvalent, Sébastien Deleigne se mesurera-t-il un jour au Sahel argentin ?

Souvent, le soir, entre deux tequila paf au coin du feu, Dominique Le Glou et Gérard Holtz se rappellent le temps où leurs vertèbres supportaient encore les tapis de sol, où Hubert Auriol ne connaissait même pas l’existence des Lanta-naï et des Korok et où Daniel Balavoine sortait des nouveaux singles chaque année.

Parfois, quand les rondelles de citron viennent à manquer, nos deux bronzés ont un peu de nostalgie pour toutes ces années pendant lesquelles ils ne savait pas trop avec quelle saloperie ils allaient bien pouvoir rentrer de leur expédition hivernale dans les bordels du Tiers-Monde.

Desprès ou de loin

Depuis qu’Al-Qaïda au Maghreb les a éloignés encore un peu plus de leurs femmes, le grand reportage du mois de janvier n’est pas plus risqué qu’une promenade dans les bois. Heureusement, la course, elle, n’a pas perdu son esprit d’origine, celui des vrais philanthropes simplement heureux de montrer leur voiture aux petits noirs quand il ne sont pas dessous.

Ce n’est pas parce que les concurrents ont aujourd’hui des toilettes et des douches escamotables à chaque bivouac, qu’ils dorment dans les couchettes de leur camion d’assistance ou qu’on leur enlève dix minutes quand ils se se sont plantés dans la boue que le Dakar est devenue une vaste machine Afrique.

Sur la corde raid

Non, comme la voile d’aujourd’hui, le rallye raid a su garder au fil des ans son esprit d’aventure et de débrouille. Seuls onze hélicoptères et soixante médecins urgentistes suivent la caravane. Pire, ils peuvent mettre jusqu’à 20 minutes pour intervenir en cas de problème. Une éternité dans le désert.

Nos courageux ont pour seules chances de survie un GPS, une balise de détresse et les systèmes Sentinel et Iritrack. C’est bien peu face à l’immensité du Sahara péruvien. Le Dakar continue d’ailleurs chaque année de faire des veuves en Europe et ce n’est pas demain la veille qu’on verra les organisateurs neutraliser une étape pour vingt centimètres de neige.

L’Edito : Mon beau-frère et moi

 

Quand Bousquet et Manaudou sont dans l’eau, il y a toujours des gouttes qui giclent à côté. Sauf en finale.

« Je suis comme vous Alexandre, je suis optimiste pour Frederick Bousquet qui devrait décrocher une médaille sur 50m nage libre demain. » « C’est vendredi les séries et samedi la finale, Nelson. » Fin juillet, les télés sont éteintes, Alexandre Boyon peut donc tranquillement égrener les temps de Verchuren et Coughlin à l’antenne. Les matinées sur France Ô, les premières finales qu’on montre en différé à cause des Zamours : rien n’est trop beau quand on doit raconter pourquoi dans un 200m 4 nages c’est la brasse le juge de paix. Les Mondiaux de natation c’est toujours la même chose : des Français qui brillent, Bernard qui nage son relais en brasse, Gilot déguisé en David Guetta, Bousquet et son accent aristo et ce type étonnant que Boyon appelle Michel pendant une semaine et qui ressemble à Jacques Laffite. Il ne manque que Leveaux en camisole dans la piscine. Les Mondiaux, c’est aussi et surtout l’occasion de reparler de l’histoire de la Chine : « La petite Chinoise Ye n’était pas née à la mort de Mao ni à la construction de Shanghaï. »

Loin de là, en Argentine, l’Uruguay a gagné la Copa America face au Paraguay. Ca fait beaucoup. Alors de deux choses l’une : soit Forlan et Suarez ne jouent que l’été, soit le Mondial 2010 et la Copa America ne sont là que pour glorifier l’Europa League et ses stars. Dans ce cas-là, le PSG aura toutes ses chances avec les jeunes Brésiliens à 50 millions que Leonardo espère, quelles que soient leur nationalité et leur métier. Gourcuff n’est pas jaloux, plus on est de stars en Ligue 1 plus on rit et le 0-0 à Hanovre est de bon augure.

Pendant ce temps-là, Gilles Simon a gagné son neuvième titre et on entend qu’il a rejoint Henri Leconte. Aussi dégueulasse pour l’un que pour l’autre.

L’Edito : Levet si tard

Une selection nationale aurait pu devenir une des plus grandes équipes de France de l’histoire. Mais c’était du basket, du basket féminin et en plus elle a fini troisième. 

Djokovic aurait pu rejoindre Nadal et Federer dans le club des meilleurs joueurs de l’histoire. Avec trois tournois du Grand Chelem de suite la même saison, 51 victoires, aucune défaite et donc neuf tournois remportés. Ça aurait eu de la gueule. Sauf qu’un joueur aux abois atteint du plus gros melon de tous les temps en a décidé autrement. Et voilà comment on se retrouve avec seulement trois victoires en Grand Chelem à 24 ans. Murray fait donc une très grosse carrière.  

Nicolas Geay aurait pu obtenir le grade B de Cambridge en interviewant Levi Lepheimer. Mais il aurait fallu bosser un peu plus au collège, sans penser uniquement à se taper la soeur du correspondant. Ca aurait évité : « Could you tell us what do you feel about this performance ? » Livai a répondu « fort combat« , « c’est tres vite dans la course », « c’est un signe bien ». Les échanges avec la Sorbonne devaient être aussi complets.

Refaire un Nene

La Copa America aurait pu donner envie aux Qatari d’acheter encore une bonne dizaine de pépites cariocas. Mais ils ont vu Pato, Neymar, Fred, Ganso et Robinho affronter le Venezuela. Le Brésil se prépare à des années difficiles. Ca tombe bien, la prochaine, c’est chez eux. 

Avec 16m83, Teddy Tamgho aurait pu réaliser deux sauts à plus de 17m dans la même semaine, mais il ne faut pas trop lui en demander, sinon il finira comme Cesar Cielo. Vous savez celui qui a fait comme Fred Bousquet car Alain Bernard a une ordonnance. Des fois on se demande pourquoi Philippe Gilbert ne fait pas de la natation.

Real-Barça : Monsieur Mou se tâche

Avec Adebayor, le Real en a pris trois de moins qu’en novembre. Fort, ce Special One.

Messi et son doublé font les gros titres, aucun doute c’était bien un grand match. Dans les grands matches, il faut deux équipes et des grands joueurs pour faire la différence. Pourtant, la passe décisive d’Afellay, qui d’un simple coup de rein élimine Marcelo, est un peu plus suspecte. Finalement, il faut bien se rendre à l’évidence : Bernabeu n’avait pas prévu de se faire humilier par Sergi Roberto à la 90e minute.

Jouer le 0-0, quitte à faire passer le Barça pour la meilleure défense d’Europe avec Mascherano dedans, la tactique était risquée. Sacrifier Ronaldo, titulariser Di Maria et surtout croire Reynald Denoueix quand il dit que la défense du Real n’a pas de faille va au-delà de la luxure : c’est comme embrasser Villa et Pedro sur la bouche avant le match, voire craindre Seydou Keita. Pourquoi ne pas considérer la Copa del Rey comme un trophée et l’exhiber à Cibeles toute la nuit, tant qu’on y est ?

Adeb ailleurs

Mercredi dernier, Ronaldo avait sauvé son match de merde par un but. Hier, il s’est contenté d’un match de merde. Que des duels, pas d’occasion : CR7 et Messi ont offert pendant une heure ce que le clasico pouvait offrir de meilleur. Le meilleur, ça devait être Pepe. Il a été expulsé, comme Le Vestiaire l’avait prévu. Il sera frais pour la fin de Liga.

Ce qu’il n’avait pas prévu, c’est qu’il le serait sur sa première agression et qu’elle n’arriverait qu’au bout d’une heure. Il faut parfois avoir le courage de désavouer Christian Jeanpierre et Liza : ni Pepe, ni les autres n’ont joué dur hier, sinon Ramos serait reparti avec une jambe de Messi et le Real n’aurait perdu que 1-0. Le Real de la semaine dernière c’était Pepe : sans Pepe, le Real devait être Ronaldo-Benzema-Kaka et pourquoi pas Ozil. Mourinho a choisi Adebayor dès la mi-temps. Si ce n’est pour se faire Valdano, ce doit être pour du jeu long. Il n’y en a pas eu, mais comme prévu il y a eu le dribble raté, la faute inutile et le hors jeu de la 90e minute. Portsmouth ne fera pas la fine bouche en juin.

S’il n’avait pas entraîné si longtemps Porto, Mourinho n’aurait pas pu supporter ça. Avec Benzema, Kaka et Higuain restés sur le banc, c’est Bernabeu qui n’aura pas supporté ça. Sa deuxième saison est toujours la meilleure mais ça n’explique toujours pas Adebayor. Mourinho ne pouvait pas rester là-dessus : il s’est fait expulser et a souri à la caméra. Ca évitait de filmer le banc et Benzema cintré dans son survêtement de celui qui n’a jamais raté un match de C1. Du meilleur ratio de l’histoire de la compétition avec un but toutes les 114 minutes. Du buteur le plus efficace de la saison de Champion’s league avec un but toutes les 62 minutes. La patte du génie.

Pendant ce temps-là, les Ayew règnent sur la Ligue 1. Vivement la prochaine Ligue des champions.

Du coq au vain (1/5) : Le Maso schisme

Octobre 2007. En tuant le jeu à la française (?), en s’appuyant sur une seule et même génération, un ancien demi de mêlée béglais laisse un champ de ruines et Jo Maso. Il aurait juste laissé le champ de ruines on n’en serait peut-être pas là. La suite, c’est un encadrement de juniors qui va faire n’importe quoi avec ce qu’il peut.

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Juin 2010, près de trois ans après sa prise de fonction, Marc Lièvremont est dévasté. Son équipe est nulle, il ne sait pas quoi faire avec et Jo Maso est toujours là. Trinh-Duc aussi. Novembre 2010, Marc Lièvremont est encore dévasté, son équipe est toujours nulle, il ne sait pas quoi faire avec et Jo Maso est là, bien-sûr. Janvier 2010, Marc Lièvremont a quand même trouvé trente joueurs pour accompagner Jo Maso en Nouvelle-Zélande.

Revoici le premier épisode de l’incroyable saga d’un sélectionneur plus modeste que les autres, un petit peu trop peut-être.

En prenant la tête de l’équipe de France, Marc Lièvremont avait annoncé la couleur : tout changer. Sans même faire d’inventaire, il avait donc pris le parti de lancer des Trinh-Duc, Parra et autre Picamoles, au total la moitié des effectifs du Top 14 y étaient passés. Expérience probante : une troisième place aux Six Nations que même Laporte n’osait occuper. Aligner n’importe qui, c’était pas vraiment nouveau. Perdre non plus finalement, mais à la différence de son prédécesseur, il y mettait la manière. Envoyer du jeu, devenir les All Blacks d’Europe, l’ambition était là. Pas les moyens. Lièvremont découvre que la France possède autant de grands joueurs en devenir que de coups de pied de recentrage réussis par Fred Michalak. Il renonce alors aux blagues et commence à remettre les bons, qui ne savaient plus vraiment à quoi ressemblait un ballon ovale. Il est ovale, le résultat est le même.

Les Wallabies passent, le coq trépasse. Puis l’Argentine. Face aux Pumas, le sélectionneur fait montre d’une remarquable confiance en lui. L’ombre de Maso aidant peut-être, il fait composer son XV de départ par Laporte : des vieux et une première ligne éternellement novice au haut-niveau. Gonzo se sent moins seul. Une première année qui n’aura servi à rien et un jeu redevenu obsolète. Le fantôme de l’Argentine est battu par Skrela. L’Australie respire, elle n’a pas écrasé une équipe de nuls. Marc Lièvremont a de belles épaules, mais pas celles d’un sélectionneur. Celle d’un entraîneur ? Camou, Retières, N’Tamack et Maso. La compétence sait se faire discrète. A l’époque, la presse parle de regrets, d’indiscipline, de manque de réalisme. Lièvremont, lui, ne doute pas.

Marc est sophiste

Une volée dans le Tournoi, une rébellion contre le jeu ultra-défensif de papa, pour un semblant de retour au jeu offensif de papy. 215 joueurs aussi tendres les uns que les autres et finalement Chabal. Lièvremont ne sait pas quoi faire. Sur le terrain, on ne lui avait jamais demandé de schémas tactiques. La Fédérale 3 est un monde magique.

2009, c’est la rentrée des classes, Marco invite N’Tamack et un nouveau chez lui. Il nous promet plus de rigueur et une victoire contre l’Irlande. Avec six  joueurs valides de 50 ans (Harinordoquy, Jauzion, Poitrenaud, Heymans, Chabal, Nallet), il faut savoir rester modeste. Héritage d’une époque ou l’on battait les Anglais au Tournoi, mais pas en Coupe du monde. Aujourd’hui, ça ne suffit plus. On veut battre tout le monde en jouant comme les Blacks, mais chez les Blacks, il y a les Blacks. Lièvremont n’a que des Bleus sous la main. Tout le monde rêve des Maoris, il ne suffit pas de vouloir faire pareil pour y parvenir.

Il ne suffit pas de vouloir faire pareil, pour savoir faire pareil. Indiscipline et inefficacité, ça veut dire pas le niveau. O’Driscoll à lui tout seul est supérieur à toute la sélection tricolore, une seule action lui a suffi pour le rappeler.

Lièvrement ignore comment apprendre à défendre, il ignore même qu’il faut défendre. Pas un fondamental n’est respecté, Albaladejo se retourne alors dans sa tombe.

Ballon d’or, Messi : Le bon, le but et le truand

Zurich réussit décidément aux Argentins. Higuain n’était pas là cette fois c’est Messi qui est reparti avec un cadeau.

Meilleur buteur de Liga, meilleur buteur de la Ligue des champions : que faut-il de plus pour être Ballon d’or ?  Un but en Coupe du monde  ?

La France entière le craignait, le planning d’i-Télé l’a fait : c’est bien Olivier Le Foll qui a conté la soirée du Ballon d’Or ce matin. Excédé, Ghalzi n’a pas pu se retenir : « Qualités intrinsèques… Parce qu’un joueur de foot peut avoir des qualités extrinsèques ? » L’attaque était facile, Le Foll en a vite convenu et de toute façon il était grand temps de lancer un sujet qui disait que le palmarès de Messi était long comme un jour sans fin. Salvateur.

Pichichi, pas de chichi

Pourtant, Le Foll a peut-être eu tort de ne pas y réfléchir avant. Mais après tout, pourquoi un journaliste se demanderait pourquoi avoir donné le Ballon d’or à Messi est scandaleux quand tout le monde dit qu’avoir donné le Ballon d’or à Messi est scandaleux ? Un quadruplé contre Arsenal, des passes décisives dans un clasico, quelques actions de grande classe où il évite de faire des passes, et Sneijder est renvoyé à ses chères études ou plutôt à la gueule de Robben qui salope son ouverture face à Casillas un soir de juillet. C’était un match amical. Sneijder-Robben, c’était aussi un match en mai à Bernabeu, mais où était Leo ?

Xavi de recherche

Mais Le Foll avait raison : Messi le double Ballon d’or a bien des qualités extrinsèques. Deux surtout. La première donne des ballons parfaits pour empiler des buts en Liga et est aussi capable de le faire avec Villa en équipe nationale. La seconde égalise à Chelsea pour permettre de briller en finale quand il n’y a plus de danger et est aussi capable de marquer en finale de Mondial. Sans ces qualités extrinsèques, Messi n’aurait probablement pas tiré la langue avec un faux-air d’Ibrahimovic en montant sur l’estrade, pour recevoir son trophée des mains d’un gars qui pouvait difficilement être plus déçu.

Sans ces qualités extrinsèques, Messi ne porterait qu’un maillot blanc et bleu ciel. Heureusement, 2010 n’était pas une année de Coupe du monde.

O’Connor, c’était les corons

Chabal le sait bien : comme au poker, les grands champions ne dévoilent rien de leur jeu. L’effet de surprise n’en sera que plus grand, à l’automne 2011, contre le Japon.

Les Fidji et l’Argentine n’avaient été qu’une gentille mise en bouche. Un amuse-gueule. Il n’y avait alors que ces pédophiles de la presse sportive satirique en ligne pour railler la méthode Lièvremont et le manque d’ambitions de son équipe. Mais on le savait bien : le XV de France, à part en touche, se met toujours à la hauteur de son adversaire et nos tauliers bleus avaient gardé sous la semelle plus que le gazon abîmé de la Beaujoire.

Promis juré, les Australiens et leur mêlée de tarlouzes allaient remonter dans leur Airbus Qantas le slip kangourou détrempé par quatre-vingt minutes en enfer. On allait voir ce qu’on allait voir : quinze mecs en jaune piétinés comme des Aborigènes, étouffés par les placages hauts et abasourdis par la rumeur fracassante de tous les costume-cravate du Stade de France. Avec un peu de chance, on verrait aussi du jeu et des essais, mais il ne faut jamais vendre la peau du koala avant de l’avoir plaqué.

Au Bonnaire d’édam

Ces salauds de sudistes ont pourtant gâché la belle année du rugby tricolore et son Grand Chelem triomphal. Mais avait-on déjà vu manœuvre plus fourbe ? Les Français s’attendaient à jouer les derniers vainqueurs de la Nouvelle-Zélande. Ils ont vu débarquer l’amicale des gendarmes du sud-ouest. Comment voulez-vous qu’on s’y retrouve ? Ajoutez à cela un froid polaire auquel les moustachus sont évidemment beaucoup mieux préparés et vous comprendrez pourquoi Le Vestiaire, après avoir émis quelques doutes depuis trois ans, refuse aujourd’hui de tirer sur le corbillard.

Il préfère retenir les coups de pieds variés de Morgan Parra au-dessus des regroupements : une fois en touche, l’autre à cinquante mètres. Les Wallabies n’ont pas su comment s’y prendre pendant trois minutes. Et quand bien même ils marquaient leur premier essai sans avoir à se soucier de passer par les ailes, nos Bleus, héroïques, répondaient de la plus belle des manières : personne dans cette équipe si soudée n’avait envie de se mettre en avant, alors, la mêlée s’est chargée de gratter cinq points sans même entrer dans l’embut. Ca évite les fautes de main.

L’USAP le moral

Et puis, la belle mécanique tricolore s’est enrayée après la pause et la cabane est tombée sur Médard. On a alors compris pourquoi l’USAP et sa première ligne destructrice pointaient à la dixième place du Top 14. Guirado aurait par contre peut-être dû ne pas mettre son strapping devant les yeux avant de remplacer Servat. Il aurait sans doute pu lancer un peu plus droit et apprécier le récital offensif du triangle d’or Huguet-Palisson-Porical, dont les automatismes étaient parfaitement huilés après zéro match ensemble et deux jours de boulot dans la salle télé de Marcoussis. Vincent Clerc et Clément Poitrenaud ont aussi apprécié leur sens du placement défensif sous le jeu au pied australien.

Mais était-ce bien là l’essentiel ? Lièvremont, le cœur grand, a pu faire plaisir à tous ses joueurs. Même Ouedragogo, puni devant ses parents à Montpellier, a eu cette fois l’occasion de passer à la télé sur une chaîne même pas câblée. Encore eut-il fallu qu’il porte un ballon. On a beaucoup vu Traille, en revanche, et le score s’en est ressenti. La Trinh-Duc-dépendance est de plus en plus criante en équipe de France, qui finit quand même ses tests d’automne sur un bilan positif : deux victoires, une seule défaite. Ca sent encore le Grand Chelem.

Pendant ce temps-là, les All Blacks enchaînent les contre-performances : comment ont-ils pu ne même pas enfiler quarante pions à une équipe qui a fait match nul contre Fidji ?

(Photo Le Vestiaire)

France-Argentine : La saison des Mosson

L’Argentine ne fait pas le bonheur de Chabal. Mais elle y contribue fortement.

Ca y est, c’est fait. Une équipe est née, samedi soir, à Montpellier, et Galthié n’y est pour rien. Notre spécialiste sports régionaux, à force de voir arriver chaque semaine des joueurs dont il n’avait jamais entendu parler, avait fini par croire que Marc Lièvremont ne savait pas où il allait. C’était avant la Mosson et le récital argentin : zéro essai à zéro. Mela culpa. Le staff tricolore a donc trouvé son XV idéal. La preuve : « Les approximations des Français face à l’Argentine ont poussé les entraîneurs à miser sur la stabilité et la continuité pour préparer la réception de l’Australie ». Les stagiaires Internet du Midol sauraient-ils aussi écrire au second degré ?

Le talent dort

A dix mois de la Coupe du monde, tous les voyants sont ovaires. On attendait de voir jouer nos Bleus au sec, on n’a pas été déçus : ils ont fini juste en-dessous de leur moyenne d’un essai par match contre l’Argentine. Pas mal, quand même, en ayant joué 80 minutes sans demi d’ouverture. Avec un peu plus de réussite, de créativité, de mouvement, de percussion, de vitesse et d’automatismes, la France aurait même pu humilier davantage les Fidjiens hispanophones. Mais ne faisons pas la fine bouche : peut-on demander à un joueur qui apprend un nouveau poste tous les trois jours de penser en plus à ne pas échapper le ballon sur les placages ? Aurélien Rougerie, son Talent d’or sous le bras, nous souffle d’autres questions : Un mec qui a pris deux intervalles peut-il être l’homme du match ? Qui de Marc Andreu ou de Vincent Clerc est le plus grand ? Damien Traille rêve-t-il encore de Josh Lewsey la nuit ?

Pendant ce temps-là, les All Blacks n’ont même pas mis quarante pions aux Irlandais. Petits joueurs.

France-Fidji : L’impact du LOU

Qui d’Imanol Harinordoquy ou d’Alain Bernard a la plus grande envergure ?

Néo-Zélandais et Sud-Africains étaient déjà pris. Pas de chance. Il ne restait ce week-end plus que les Fidji pour jouer au rugby et ce n’était même pas à l’extérieur. Ce premier test d’automne avait décidément tout du match piège : un public habitué à la médiocrité, les cendres de Gareth Thomas sur la pelouse et une pluie à ne pas sortir Dussautoir de Marcoussis.

Difficile, dans ces conditions, d’espérer beaucoup du XV tricolore. On savait en plus les Fidjiens mieux préparés au crachin atlantique : la moitié d’entre eux jouent à La Rochelle. Les autres sont à Castres ou à Agen, on a d’ailleurs pu s’en rendre compte, par moments, sur les remises en jeu, les mêlées, les touches, les placages, les ballons portés, les passes sautées, le jeu au pied et quelques autres petits détails.

Good Traille

Encore fallait-il à nos Français prendre le match par le bon bout de la lorgnette. Ce qu’ils ont fait, avec courage, en ne lâchant rien d’autre que le ballon après avoir été menés au score (3-6). C’est dans ces moments-là qu’on voit les grandes équipes et Marc Liévremont a assurément couché des géants sur le papier à l’heure de faire sa liste. Lui seul pouvait avoir, à dix matches de la Coupe du monde, l’inspiration géniale de redonner une douzième chance à la doublette magique d’Aguilera, Yachvili-Traille.

La Nouvelle-Zélande est encore loin après tout. A quoi bon se trouver une équipe-type quand on peut faire plaisir à tous ses joueurs ? Les nouveaux ont en tout cas appliqué les consignes tactiques à merveille : multiplier les en-avants pour récupérer des mêlées, il fallait y penser. Ca s’appelle jouer sur ses points forts. Et Météo France est formelle : il pleut aussi parfois à Montpellier. Les avants argentins sont prévenus.

Pendant ce temps-là, les All Blacks n’ont même pas mis cinquante points à l’Ecosse. Petits joueurs.

Top 14 : Le Toulon qu’on pensait

Mathieu Bastareaud portait-il un slip sous son pagne rose ?

Son stagiaire basket se tapant tout le sale boulot depuis deux semaines, la rédaction du Vestiaire, comme 68.800 autres personnes, n’avait vraiment rien à foutre, samedi après-midi, pour aller se farcir un match de Top 14. Elle a surtout vu les danseuses du Moulin rouge, à moitié à poil, des esclaves à moitié à poil en fripes roses, une dresseuse de panthères les seins à l’air et tout le conseil d’administration du fan club français des Pink Floyd.

S’il n’avait pas acheté les places les moins chères, tout en haut des gradins rosoyants du Stade de France, notre ancien envoyé spécial permanent à Bridgend, la ville natale de Lee Byrne, aurait aussi pu voir la simulation de Jean-Philippe Genevois sur le coup de boule de Dimitri Szarzewski ; la simulation d’on ne sait pas vraiment quel Parisien sur l’action qui amène le seul essai du match et celle des danseuses du Moulin rouge dans la loge de Manu Guazzi l’amoureux.

Pour qui Wilkinson Stéphane Glas

Depuis une tribune de presse aussi remplie que les bourses de Louis Picamoles au petit matin à Wellington, Fabien Pelous a aussi vu des soigneurs courir plus vite que les arrières toulonnais, Mister T sans chaînes en or et un Contepomi au four et au moulin (rouge). Que Wilkinson, son arthrose et ses genoux en bois justifient à eux seuls les agios de Mourad Boudjellal n’a en revanche pas plus étonné Lionel Beauxis que Danny Cipriani.

Et alors que Lacroix-Ruggieri faisait partir les seuls éclairs du jour dans le ciel pluvieux de Saint-Denis, Toulouse a impressionné contre Perpignan et ce n’était même pas une finale de Coupe d’Europe. Avec Clermont et Castres en pleine bourre, Marc Lièvremont a sûrement exagéré sa « frustration » automnale. On ne dort plus depuis des semaines, déjà, dans les faubourgs de Suva et de Buenos Aires.

L’Edito : Se rouler des Puel

Pendant que Ribéry fait mine de manquer à l’équipe de France, Müller fait mine de marquer un but et demi à chaque victoire du Bayern. Ironie des grands joueurs ou pas, Nasri a marqué deux penaltys de plus que le nouveau Zidane.

Comme disait le poète, dans les couloirs de LCI, comme sur I-Télé, tout fait sens. Les sifflets de Bernabeu contre Higuain sont une chose, les interviews de Bernard Lacombe au JDD une autre. Quand il parle de résultats merdiques, il sait de quoi il en retourne, quand il parle de recrutement raté aussi. Dire qu’il préférait l’époque Perrin est un leurre, ce n’était pas vraiment ses mots, mais ceux de son président. « Menaçable mais pas menacé », que ne faut-il pas inventer pour calmer ces fouille-merde du service communication du club ? « On verra dans un mois si l’intuition des supporters était pertinente. » Puel démission est donc une intuition. « Jamais aucun grand club européen ayant écarté son technicien en début de saison n’a atteint ses objectifs. Puel est quelqu’un de compétent, qui a un bon effectif. »

Tout fait sens et le Real de Mourinho joue comme l’Inter de Mourinho la première saison. Reste à élire les Ibrahimovic et choisir le club avec lequel il faudra faire affaire l’été prochain. Capello n’avait pas eu autant de temps, attention quand même à ne pas vexer Santiago-Bernabeu avec trop de hors-jeu d’attaquant de pointe, trop d’occasions salopées d’attaquant de pointe, trop de contrôles ratés d’attaquant de pointe, trop de pointe de vitesse pas suffisante d’attaquant de pointe ou trop de jeu en remise direct à l’adversaire d’attaquant de pointe. « Le geste typique du buteur », précise Da Fonseca sur une frappe à trois mètres du but. Ça fait partie du bagage et la récompense arrive toujours en fin de match à dix contre dix sur un caviar de Cristiano. Benzema est obligé d’applaudir, Mourinho est bien un génie. Une frappe, un but : Benzema aussi. Il est même peut-être meilleur : « Mourinho est un grand entraîneur et je le remercie de m’accorder sa confiance. » A part une bande de Yougos, il sera difficile à abattre.

Le Diaw du village

La communication a aussi son rôle en Coupe Davis. Llodra n’est pas encore le meilleur joueur du monde en simple, pourtant Monfils le croit. Clément n’est pas le meilleur joueur de double du monde, pourtant Llodra le croit. Et l’Argentine de Nalbandian n’est pas la meilleure équipe du monde, pourtant tout le monde l’a cru. Boetsch l’a bien gagnée et battu Kulti, l’importance est bien dans l’apparence.

Pendant ce temps-là, Le Mans a bien négocié le match aller du premier tour préliminaire de l’Euroligue. En d’autres termes, Antoine Diot a pris le relais de Boris Diaw.

L’Edito : Low actually

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Les lois du sport sont impénétrables. Quid des veines des cyclistes ?

Le Vestiaire aurait pu plaisanter sur le palmarès de Thomas Voeckler, nouveau champion de France, sa 22e victoire déjà en neuf ans de carrière, dont le tour du Poitou et une étape sur la Grande Boucle. Mais nous aurions alors occulté les cent autres qu’il aurait mérité si Hein Verbruggen et Jean-Marie Leblanc avaient accepté de les valider.

Le Vestiaire aurait aussi pu se gausser du retour en 11″39 de Christine Arron. Mais nous aurions alors occulté qu’elle est toujours la plus grande sprinteuse de l’histoire, mais qu’elle ne le sera jamais vraiment et pas qu’à cause de Piasenta, Ontanon ou Caristan.

Le Vestiaire aurait aussi pu faire une analyse de la branlée de Buenos Aires, en expliquant pourquoi Marc Lièvremont n’est pas l’homme de la situation. Mais nous serions alors obligé de rappeler une fois de plus que Jo Maso non plus, mais que tout le monde s’en fout.

Le Vestiaire aurait pu raconter le Grand Prix de Formule 1, mais nous serions alors obligé de négliger les yeux bouleversés de Franck Lampard, qui comprend que son but ne sera jamais validé. Le Vestiaire aurait même pu se moquer du but d’Higuain, des défenses catastrophiques qui peuplaient ces huitièmes de finale ou analyser le niveau des uns et des autres. Mais nous aurions alors dû faire semblant qu’il y ait eu des matches aujourd’hui et que leur résultat ait eu un sens.

Il n’y a rien à dire. On a autorisé Laurent Brochard à devenir champion du monde à San Sebastian malgré un joli taux d’hématocrite, on vient d’ autoriser onze joueurs et onze joueurs à rentrer chez eux sans être certains d’avoir vraiment été éliminés de la Coupe du monde.

Allemagne-Angleterre : Ozil was born

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Le meilleur joueur allemand s’appelle Lahm, son adversaire l’Angleterre et sa star Capello. Ça veut dire quoi ?

Pour la première fois de son histoire, l’Allemagne se présente en huitièmes de finale d’une Coupe du monde sans Beckenbauer, Rummenigge, Brehme, Voller, Matthaus, Klinsmann, Kahn et Ballack. Un gros risque pris par le sélectionneur allemand, dont le nom échappe à tout le monde, mais ça ne durera pas. Car le risque est calculé puisque les cadres ont tous été remplacés par Schweinsteiger.

Si on ajoute la nouvelle perle de l’entrejeu, dénommée Ozil, capable d’au moins une bonne performance tous les deux matches quand l’adversaire s’appelle l’Australie et le Ghana, la Mannschaft a de sacrés arguments. Les mauvaises langues seraient tentées d’insister sur la performance serbe de la deuxième journée. Elles auraient tort, la Serbie ne s’est inclinée que contre l’Australie et le Ghana, les deux grosses équipes du groupe. En plus, l’Allemagne jouait à dix depuis près de trente secondes quand elle a encaissé le but, puis elle a raté un penalty et plein d’occasions. L’apanage des grands joueurs, sans aucun doute, Podolski profite d’ailleurs de l’occasion pour remercier à nouveau le Bayern de lui avoir permis de retourner à Cologne. C’est aussi la Serbie qui a tenu en échec les hommes de Domenech en 2009. Pas n’importe qui, donc, pas de nivellement par le bas.

Belle et c’est Bastian

L’Allemagne, ses brutes et son jeu chiant mais efficace ne disparaîtront donc jamais, même si on les remplace par des petits gabarits qui jouent à une touche de balle. Car l’Allemagne 2010, c’est aussi un joli mélange de joueurs chevronnés et de clubs qui le sont à peine moins. Ozil, Khedira, Friedrich, Schalke 04, Werder Breme, Stuttgart, Cologne, pour un peu Klose serait presque titulaire en club.

Le seul point faible de cette équipe, qui compte tout de même son Brésilien naturalisé, et Neuer, qui ferait presque oublier Kahn et Lehmann, serait donc son ossature munichoise. Le Bayern peut-il réapprendre la défaite à l’Angleterre après lui avoir apprise en club, voire être champion du monde ? Tout dépend si Robben et Ribéry sont rétablis, et si Muller et Badstuber ont brillé contre Lyon et l’Inter. Quoiqu’il arrive, tout sera cette fois jouable puisqu’il n’y aura pas Mourinho en face, juste Fabio Capello et David James.

France-Argentine : Neige de Saint-André peut cent jours durer

Un Frédéric Michalak inexistant, Bernard Laporte fidèle à lui-même, un jeu pathétique. La Coupe du monde 2007 s’annonce sous les meilleurs hospices que Pujadas dénonce avec véhémence. Pas Pelous.

Lièvremont avait annoncé la couleur : tout changer. Sans même faire d’inventaire, il avait donc pris le parti de lancer des Trinh-Duc, Parra et autre Picamoles, au total la moitié des effectifs Top 14 y étaient passés. Expérience probante : une troisième place aux Six Nations que même Laporte en personne n’osait occuper. Aligner n’importe qui, c’était pas vraiment nouveau. Perdre non plus finalement, mais à la différence de son prédécesseur il y mettait la manière. Envoyer du jeu, devenir les All Blacks d’Europe, l’ambition était là. Pas les moyens, Lièvremont découvre que la France possède autant de grands joueurs en devenir qu’il y a de testostérone dans le corps de Rémy Martin. Il renonce aux blagues et commence à remettre les bons, qui ne savaient plus vraiment à quoi ressemblait un ballon ovale. Il est ovale, le résultat est le même.

Les Wallabies passent, le coq trépasse. Puis l’Argentine. Face aux Pumas, le sélectionneur fait montre d’une remarquable confiance en lui. L’ombre de Maso aidant peut-être, il fait composer son quinze de départ par Laporte : des vieux, et une première ligne éternellement novice au haut-niveau. Gonzo se sent moins seul. Une première année qui n’aura servie à rien et un jeu redevenu obsolète. Le fantôme de l’Argentine est battu par Skréla. L’Australie respire, elle n’a pas écrasé une équipe de nuls. Marc Lièvremont a de belles épaules, mais pas celles d’un sélectionneur. Celle d’un entraîneur ? Camou, Retières, N’Tamack et Maso. La compétence sait se faire discrète.

Pendant ce temps là, les nations majeures du rugby ont cartonné et Le-vestiaire.net perd les eaux.