Le grand requin Blanc : Bosnie and crade

Que voulait dire Laurent Blanc à ses joueurs en s’attifant d’un costume si mal ajusté ? Quoi que ce soit, ils ont eu pitié, mais le requin est-il pour autant à l’abri de renfiler un jour ses apparats de clochard ?

La réponse est non. Les enseignements de la rencontre d’hier soir sont en effet aussi étroits que la fissure sur une pomme d’Adam croate en demi-finale de Coupe du monde. Heureusement, il n’est pas dans la nature des observateurs d’un pays entier de s’emballer dès que la France bat la plus faible nation du monde. Certes, la France n’avait jusqu’ici jamais battu la Lituanie et l’Irlande ou explosé les Iles Féroés et l’Autriche. Certes, L’Equipe n’était pas du genre à voir un rayon de soleil après une victoire 2-1 face au Costa Rica. Certes, c’est la première fois que la France tombe dans un groupe de qualifications aussi faible.

La Bosnie avait pourtant été présentée comme un Brésil en puissance, ce terrible monstre à deux tête entrainé par le Maradona du pauvre, celui du PSG. Pourtant, il y avait bien du Maradona en Susic hier soir, dans cette capacité à prendre la France de haut, à finir par croire que même des Bosniens se promèneraient devant Adil Rami. Mais non, des Bosniens restent des Bosniens et Diaby a pu bouffer du Chinois comme à la belle époque. Même Méxès ne s’est trouvé que six fois en difficulté alors que Suker jouait exclusivement pour la Croatie et qu’en plus il avait pris sa retraite il y a une bonne centaine d’années.

Balèze Blaise

Il y avait pourtant une différence entre Raymond Domenech et Laurent Blanc, autre que celle de flinguer son axial à la première merde pour aligner un vieux et un nul. Il osait faire débuter Benzema. Ça aurait dû suffire, ça a suffit. Et pourtant, il a vraiment pas été bon, mais quand on s’appelle Benzema on ne demande qu’une chose. Guillaume Hoarau regrette de s’appeler Hoarau et d’être aussi lourdement blessé depuis le début de sa carrière.

Une première victoire pour le requin Blanc, c’est beau comme un pardon à Bilic. Hier soir il s’appelait Susic, il a juste eu droit à une poignée de main, mais le mal est le même. « La Bosnie est certainement l’équipe la plus solide du groupe. » En tout cas celle qui a permis à Clichy de faire une passe décisive. Il restait juste quarante-cinq secondes de boulot derrière. Puis Blanc a présenté Matuidi au peuple de Sarajevo. Et oui, Pjanic n’avait pas triché depuis trois ans et si Spahic n’a toujours pas dénoncé son contrat avec Montpellier, c’est que ça doit lui convenir. Les agents biélorusses précisent qu’ils sont joignables à toute heure.

De tout temps, les Espoirs ont su faire tourner la balle, s’approcher des buts et même en marquer parfois. Ca arrive donc encore, mais à l’époque ça ne voulait pas dire que les Espoirs allaient se qualifier, ni qu’ils étaient bons. Jérémy Menez peut crier au procès d’intention, on ne va pas délocaliser les matches en province pour lui.

Le blanc de touche

Lloris. Juninho a tenté de le surprendre d’un coup franc lointain, mais il a mal vieilli : ce n’était pas cadré. C’était la Bosnie en face.
Sagna. Il a bien combiné avec le gardien adverse, mais l’ailier bosniaque a aussi souvent sollicité son aide. Evidemment, on ne juge plus ses passes. Et puis, c’était la Bosnie en face.
Rami. Il a été impérial, sans faire son habituelle connerie : Dzeko va vraiment finir par quitter Wolfsburg pour signer en Allemagne. A moins qu’Ibisevic n’ait joué à Dijon, prêté par le PSG. C’est aussi ça la Bosnie.
Méxès. Les Autrichiens ne sont plus ce qu’ils étaient. Le plus dangereux, c’est que ça va finir par lui donner confiance. Heureusement que ce n’était pas la Bosnie.
Clichy. Tout le monde n’est pas aussi doué qu’un Biélorusse. Une belle première passe décisive qui aurait aussi bien pu ne pas être dans le dos et obliger son destinataire à une roulette pour se retourner. Mais la Bosnie, c’est la Bosnie.
Diarra. Blanc lui avait demandé comme à Bordeaux : mettre le brassard, tout prendre de la tête et passer à Plasil et Gourcuff. Les ouvertures dix mètres trop longues pour Benzema ne comptent donc pas. Face à la Bosnie en tout cas.
Mvila. « Il a du culot, il est très bon. » Ferreri a toujours été impressionné par la Bosnie, les demi-volées de trente mètres, même au-dessus, et le travail de Christian Jeanpierre.
Diaby. Dribbler trois mecs au milieu à 0-0 est une chose, faire la passe dans le tempo en est une autre, mais ça permet quand même de finir par en mettre un autre à la Bosnie.
Valbuena. Le haut niveau ne l’aime pas trop, mais quand c’est la Bosnie, il a pu obtenir des fautes et même faire une passe décisive en se cassant la gueule. Ca doit être ça la générosité, Menez va regretter toutes ces années de sport études.
Malouda. Pendant soixante-dic minutes, il n’a rien réussi et finalement impliqué sur les deux buts. Il commence à comprendre. Bosnie ou pas Bosnie.
Benzema. Il a fanfaronné après son but et au coup de sifflet final, même pendant que Blanc lui rappelait qu’avec un peu plus d’implication et un peu moins de kilos il en mettait six. Avant le match il était annoncé comme le héros contre le Brésil, il a été le héros mais c’était contre Malte. Pas de hasard. Du moment que tout le monde a compris le principe.

Equipe de France, Euro 2012 : Blanc comme un linge

La brève a été publiée, samedi matin, à 9 h 27 sur le site Internet de L’Equipe : « Aliadière au chômage ».

Jérémie Aliadière a 27 ans. Si les recruteurs d’Arsenal avaient été écoutés, il y a onze ans, il aurait levé la Coupe du monde en juillet dernier. Leader magique d’une génération enchantée. Pour la première fois, l’équipe de France n’a pas connu de creux. Aliadière, Meghni, le jeune Gourcuff et Méxès, entourés des tauliers Gallas et Abidal, ponctués d’Anelka et Benzema devant, ont offert un nouveau sacre au pays de Houiller. Le manager d’Arsenal s’appelait Arsène Wenger, une partie des joueurs alignés face à la Biélorussie ont été recrutés par Arsène Wenger.

Le Vestiaire l’avait donc dit à la veille de France-Pays-Bas 2008 et répété ensuite, la France n’a pas construit de génération capable de gagner. La génération Jacquet s’était établie sur les ruines des précédentes, Blanc n’a même pas de ruines, il n’a rien. Ou plutôt juste trois joueurs du plus haut niveau : Lloris, Benzema et Ribéry. La cause est naturelle bien-sûr, mais aussi humaine : six ans de Domenech. Ce n’est évidemment pas de la faute à Domenech si Escudé, Givet, Squillaci, Ciani, Rami, Abidal, Evra, Clichy, Sagna et Escudé n’ont pas le niveau international. Ce n’est pas de sa faute non plus si Diaby, Diarra, Toulalan, M’Vila, Gourcuff et Nasri n’ont pas le niveau international. Ce n’est pas de sa faute non plus si Hoarau, Gignac, Remy, Saha et Cissé sont nuls à chier. Mais faut-il être aussi définitif ? Sans aucun doute, car tous ces joueurs ont fait leurs preuves en club, il était donc inutile de les sélectionner. En revanche, Deschamps, Blanc, Djorkaeff, Desailly, tous membres éminents de la génération France-Bulgarie, ont eux aussi fait leurs preuves en club. Blanc ayant démarré sa carrière un peu plus tard, sans toutefois parvenir à stopper Crespo dans les règles de l’art.

Alou y es-tu ?

Puisque  la France, a priori, ne déclarera pas forfait pour les cinq prochaines années, il faudra quand même essayer de monter une équipe. Derrière, Blanc possède aujourd’hui, à son image, un joueur tout aussi moyen, évoluant dans un club moyen, mais moins que les autres et qui est quand même le meilleur de tous à son poste : Philippe Méxès. Personne ne peut l’accompagner pour l’instant en attendant de re-tester Planus. Au poste de latéral, Tremoulinas n’a pas encore été essayé, mais il reste le meilleur sur ses performances individuelles et ce malgré le quart de finale aller de Ligue des champions et un but offert à un Manceau.

Comme Sagna et Chalmé ne prévoient pas de faire un enfant, autant garder Sagna. Au milieu, les Diarra n’ont pas d’équivalent en attendant qu’ils jouent enfin avec les Bleus, puisque Mavuba est visiblement interdit de sélection. Et comme Ben Arfa se réservera pour Newcastle et que Hazard s’est trompé de côté, on se passera de créateur. Devant, Benzema, Ribéry et Malouda sont les meilleurs. Anelka pourrait les suivre, mais il a eu un empêchement. Il n’y a donc pas charnière défensive, pas de créateur, pas de leaders. Ce n’est donc pas que de la faute à Blanc si la France a réalisé vendredi son pire match depuis France-Israël 1993. Pas que, donc. Car Domenech battait quand même la Lituanie, mais il avait Ribéry.

Lloris. Abidal ne jouait pas, Clichy oui.

Sagna. Pour sa première sélection, il a tenté de contenir au mieux sa fébrilité et assuré le strict minimum.

Rami. Quelques dribbles pour se relancer dans ses vingt mètres : il apprend vite.

Méxès. La vivacité des attaquants biélorusses l’a gêné, mais en août c’est le strict minimum.

Clichy. « Sur l’action du but, le ballon m’a tapé le pied. » C’est le principe du foot en effet.

M’Vila. On l’a pas mal vu, sauf quand les Biélorusses arrivaient à quatre ou cinq plein axe face à Lloris. Ce n’est arrivé qu’une demi-douzaine de fois. C’est quoi le rôle d’un demi-défensif déjà ?

Diaby. Le Costa Rica n’était finalement pas une aussi bonne équipe que ça. On va quand même attendre un match contre Stoke pour le juger.

Rémy. L’OM lui a donné une nouvelle dimension : il remonte les bras en décélérant comme Henry et il obtient des touches.

Valbuena. Il ne sait toujours pas trop bien ce qu’il va faire, alors des fois c’est un retourné, des fois une frappe cadrée.

Ménez. Son adaptation à l’AS Roma ne saurait faire oublier qu’il joue à l’AS Roma.

Malouda. Ribéry battait la Lituanie sans brassard.

Hoarau. Atypiquement lent et mauvais techniquement.

Saha. S’il y avait un doute, il n’y en a plus.

Gameiro. Un débordement et une occasion en quelques minutes. Gignac va regretter d’avoir quitté Lorient.

Le grand requin Blanc, France-Biélorussie : Hoarau malgré lui

Avant de monter trop vite Blanc sur un piédestal, un rappel : Domenech a tenu six ans à ce rythme.

« Les joueurs ne me semblent pas paralysés. » La tétraplégie dans le foot est un sujet tabou, mais Laurent Blanc a décidé d’affronter ses démons. Mettre le short lui a effleuré l’esprit – « demain (vendredi), ce n’est pas moi qui vais jouer. Laurent Blanc, on s’en fout. Ce qui compte, c’est l’équipe de France » – il aurait dû, mais finalement, ça ne sera pas la peine. Visiblement, l’Euro non plus, les heures sombres de l’histoire et les pénuries d’attaquants conduisent parfois à des exactions inommables.

Blanc le sait, il n’avait pas besoin de jouer : sur la foi d’une ancienne liste récupérée dans le bureau de Domenech, il a affaire à de grands garçons qui peuvent faire le boulot sans l’aide de personne. Les mocassins noisettes attendaient depuis trop longtemps. Lloris, Sagna, Rami, Mexès, Clichy, Diarra, Diaby, Malouda, Hoarau, Rémy, Saha, Valbuena : il n’y a donc que Menez et Gameiro qui n’avaient pas eu droit aux faveurs de Domenech un soir de novembre en Lituanie. En pleine reconstruction, c’est l’heure de gagner sa place, et les absents n’ont pas forcément tort. « Les joueurs savent ce que l’on attend d’eux : un comportement, un état d’esprit… J’espère qu’ils y ajouteront des qualités footballistiques. » Desailly l’aurait mal pris.

Tous n’ont pas bien compris, et la consigne de ne pas être mauvais aurait aussi pu par exemple s’appliquer aux centres de Sagna et Clichy. Blanc va bientôt les appeler Chalmé et Trémoulinas, mais personne n’a encore réussi à déchiffrer cette énigme. Wenger a bien tenté de défendre Sagna en louant ses bonnes intentions, les dribbles de Clichy en pleine surface ça peut laisser l’image d’un gros nul. Radio de la gorge à l’appui, Bilic peut certifier qu’avec le temps ça s’estompe.

Atypique-assiette

Devant, c’était encore le jour de l’atypique. En Norvège, avec N’Zogbia, c’était raffiné. Mais ça interdit de s’étonner qu’un atypique ne sache pas contrôler, ni faire opposition avec son corps contre des Biélorusses. Même Jeanpierre avait prévenu : « Très bon match de Guillaume Hoarau, notamment défensivement. » Coûter un seul but pour sa première sélection parce que le marquage ça implique de courir quand l’adversaire le fait, ça s’appelait prendre date. Certainement en confiance, Hoarau a fait pareil qu’en août, ça a bien marché contre le Maccabi et Saint-Etienne. M

ais en pire puisqu’il a tenté de décrocher. Pas pour emmerder Diaby et M’Vila, les apparences sont parfois farceuses. Il a mis une mi-temps à piger que Blanc lui avait interdit formellement de se servir de ses pieds, heureusement sur les touches longues il a retrouvé toute sa tête. « Spirale négative d’accord, mais on se rend compte que le plus dur dans le foot c’est de marquer des buts, et qu’en équipe de France y a pas beaucoup de joueurs habitués à le faire. » Après tant de louanges, difficile de blâmer en priorité le seul attaquant de pointe. Et puis être atypique, c’est d’abord sauter sur les touches longues. Par contre, rater une reprise seul dans les six mètres en tombant à la renverse ou écraser une balle d’égalisation aux vingt mètres, ça s’appelle Le Havre, Gueugnon, Le Havre et PSG à 26 ans.

Un jour, Blanc cessera peut-être de découvrir les listes de Gasset en conférence de presse. Ce jour-là, il ne pourra plus se plaindre des joueurs qu’il aura lui-même choisi. « Blaise ? Joli prénom. »