France-Canada : Les géants de Papé

Avant d’aller se jeter du haut du Te Mata Peak, notre spécialiste water-polo, Peyo Greenslip, nous a laissé une copie de son testament.

De notre envoyé spécial permanent à Havelock North

Dans l’avion qui emmenait l’équipe de France en Nouvelle-Zélande, Maxime Mermoz, ses initiales Y. J. brodées sur l’appui-tête, rêvait de grands espaces, de kangourous et de barrières de corail. Et puis, il a ouvert son guide des Frogs-in-NZ et découvert que les Aborigènes d’ici parlent le Maori, que les vins blancs de Hawkes Bay sont aussi mauvais que ceux de Gisborne et qu’il pleut parfois au printemps sur l’île du Nord.

Alors, lui et ses amis se sont souvenus qu’ils avaient terrassé les Fidji dans des conditions à peu près semblables en novembre 2010 à la Beaujoire. Et comme en novembre 2010 à la Beaujoire, ils n’ont pris aucun risque. Comme disait Benazzi sous la douche : prends ton pied quand la savonnette glisse.

Pas BO à voir

Le plan de jeu fonctionnait à merveille en début de match et la France passait sa spéciale : un ballon échappé par l’adversaire sous une chandelle pour un essai à zéro passe. Imparable. Malheureusement, le staff canadien avait eu le temps en trois jours de visionner le best-of de la saison 2010-2011 du Biarritz Olympique et on a vite compris que Damien Traille aurait beaucoup de ballons aériens à négocier sur le pré des Magpies.

Longtemps alors Bernard Lapasset a regretté d’avoir laissé autant de repos aux barbus canadiens entre leurs deux premiers matches. Les Bleus n’avaient pas encore vu la ligne des 22 avec le ballon dans les mains quand Jo Maso a arrêté de compter le nombre de placages ratés. Le travail de sape allait bien finir par payer.

Une attitude de Bonnaire

Et effectivement, nos bucherons ont bu le calice jusqu’à Cali en fin de match. Pendant dix minutes, ils ont enfin compris qu’ils avaient à faire aux vice-champions d’Europe 2011, que leur manque d’agressivité dans les rucks n’était pas du tout la preuve de leur suffisance et qu’ils étaient finalement capables d’aligner trois passes en courant vers l’avant.

Difficile, devant une telle démonstration de puissance collective, de sortir quelques noms du lot : Rougerie était sûrement trop absorbé par le capitanat pour s’occuper du jeu ; Bonnaire ne peut pas couvrir tout seul tous les postes de la troisième ligne ; Guirado lance beaucoup mieux en touche quand il ouvre les yeux ; Servat a passé beaucoup trop de temps avec Guirado ; Parra n’a pas compris qu’on ne pouvait pas partir systématiquement tout seul au ras des regroupements, Trinh-Duc n’a pas compris qu’on ne devait pas systématiquement taper des chandelles ou des coups de pied au loin quand il pleut.

Le plus dur est fait. Une défaite volontaire contre les Blacks samedi prochain et nos Bleus ont leur place en finale.

O’Connor, c’était les corons

Chabal le sait bien : comme au poker, les grands champions ne dévoilent rien de leur jeu. L’effet de surprise n’en sera que plus grand, à l’automne 2011, contre le Japon.

Les Fidji et l’Argentine n’avaient été qu’une gentille mise en bouche. Un amuse-gueule. Il n’y avait alors que ces pédophiles de la presse sportive satirique en ligne pour railler la méthode Lièvremont et le manque d’ambitions de son équipe. Mais on le savait bien : le XV de France, à part en touche, se met toujours à la hauteur de son adversaire et nos tauliers bleus avaient gardé sous la semelle plus que le gazon abîmé de la Beaujoire.

Promis juré, les Australiens et leur mêlée de tarlouzes allaient remonter dans leur Airbus Qantas le slip kangourou détrempé par quatre-vingt minutes en enfer. On allait voir ce qu’on allait voir : quinze mecs en jaune piétinés comme des Aborigènes, étouffés par les placages hauts et abasourdis par la rumeur fracassante de tous les costume-cravate du Stade de France. Avec un peu de chance, on verrait aussi du jeu et des essais, mais il ne faut jamais vendre la peau du koala avant de l’avoir plaqué.

Au Bonnaire d’édam

Ces salauds de sudistes ont pourtant gâché la belle année du rugby tricolore et son Grand Chelem triomphal. Mais avait-on déjà vu manœuvre plus fourbe ? Les Français s’attendaient à jouer les derniers vainqueurs de la Nouvelle-Zélande. Ils ont vu débarquer l’amicale des gendarmes du sud-ouest. Comment voulez-vous qu’on s’y retrouve ? Ajoutez à cela un froid polaire auquel les moustachus sont évidemment beaucoup mieux préparés et vous comprendrez pourquoi Le Vestiaire, après avoir émis quelques doutes depuis trois ans, refuse aujourd’hui de tirer sur le corbillard.

Il préfère retenir les coups de pieds variés de Morgan Parra au-dessus des regroupements : une fois en touche, l’autre à cinquante mètres. Les Wallabies n’ont pas su comment s’y prendre pendant trois minutes. Et quand bien même ils marquaient leur premier essai sans avoir à se soucier de passer par les ailes, nos Bleus, héroïques, répondaient de la plus belle des manières : personne dans cette équipe si soudée n’avait envie de se mettre en avant, alors, la mêlée s’est chargée de gratter cinq points sans même entrer dans l’embut. Ca évite les fautes de main.

L’USAP le moral

Et puis, la belle mécanique tricolore s’est enrayée après la pause et la cabane est tombée sur Médard. On a alors compris pourquoi l’USAP et sa première ligne destructrice pointaient à la dixième place du Top 14. Guirado aurait par contre peut-être dû ne pas mettre son strapping devant les yeux avant de remplacer Servat. Il aurait sans doute pu lancer un peu plus droit et apprécier le récital offensif du triangle d’or Huguet-Palisson-Porical, dont les automatismes étaient parfaitement huilés après zéro match ensemble et deux jours de boulot dans la salle télé de Marcoussis. Vincent Clerc et Clément Poitrenaud ont aussi apprécié leur sens du placement défensif sous le jeu au pied australien.

Mais était-ce bien là l’essentiel ? Lièvremont, le cœur grand, a pu faire plaisir à tous ses joueurs. Même Ouedragogo, puni devant ses parents à Montpellier, a eu cette fois l’occasion de passer à la télé sur une chaîne même pas câblée. Encore eut-il fallu qu’il porte un ballon. On a beaucoup vu Traille, en revanche, et le score s’en est ressenti. La Trinh-Duc-dépendance est de plus en plus criante en équipe de France, qui finit quand même ses tests d’automne sur un bilan positif : deux victoires, une seule défaite. Ca sent encore le Grand Chelem.

Pendant ce temps-là, les All Blacks enchaînent les contre-performances : comment ont-ils pu ne même pas enfiler quarante pions à une équipe qui a fait match nul contre Fidji ?

(Photo Le Vestiaire)

France-Argentine : La saison des Mosson

L’Argentine ne fait pas le bonheur de Chabal. Mais elle y contribue fortement.

Ca y est, c’est fait. Une équipe est née, samedi soir, à Montpellier, et Galthié n’y est pour rien. Notre spécialiste sports régionaux, à force de voir arriver chaque semaine des joueurs dont il n’avait jamais entendu parler, avait fini par croire que Marc Lièvremont ne savait pas où il allait. C’était avant la Mosson et le récital argentin : zéro essai à zéro. Mela culpa. Le staff tricolore a donc trouvé son XV idéal. La preuve : « Les approximations des Français face à l’Argentine ont poussé les entraîneurs à miser sur la stabilité et la continuité pour préparer la réception de l’Australie ». Les stagiaires Internet du Midol sauraient-ils aussi écrire au second degré ?

Le talent dort

A dix mois de la Coupe du monde, tous les voyants sont ovaires. On attendait de voir jouer nos Bleus au sec, on n’a pas été déçus : ils ont fini juste en-dessous de leur moyenne d’un essai par match contre l’Argentine. Pas mal, quand même, en ayant joué 80 minutes sans demi d’ouverture. Avec un peu plus de réussite, de créativité, de mouvement, de percussion, de vitesse et d’automatismes, la France aurait même pu humilier davantage les Fidjiens hispanophones. Mais ne faisons pas la fine bouche : peut-on demander à un joueur qui apprend un nouveau poste tous les trois jours de penser en plus à ne pas échapper le ballon sur les placages ? Aurélien Rougerie, son Talent d’or sous le bras, nous souffle d’autres questions : Un mec qui a pris deux intervalles peut-il être l’homme du match ? Qui de Marc Andreu ou de Vincent Clerc est le plus grand ? Damien Traille rêve-t-il encore de Josh Lewsey la nuit ?

Pendant ce temps-là, les All Blacks n’ont même pas mis quarante pions aux Irlandais. Petits joueurs.

France-Fidji : L’impact du LOU

Qui d’Imanol Harinordoquy ou d’Alain Bernard a la plus grande envergure ?

Néo-Zélandais et Sud-Africains étaient déjà pris. Pas de chance. Il ne restait ce week-end plus que les Fidji pour jouer au rugby et ce n’était même pas à l’extérieur. Ce premier test d’automne avait décidément tout du match piège : un public habitué à la médiocrité, les cendres de Gareth Thomas sur la pelouse et une pluie à ne pas sortir Dussautoir de Marcoussis.

Difficile, dans ces conditions, d’espérer beaucoup du XV tricolore. On savait en plus les Fidjiens mieux préparés au crachin atlantique : la moitié d’entre eux jouent à La Rochelle. Les autres sont à Castres ou à Agen, on a d’ailleurs pu s’en rendre compte, par moments, sur les remises en jeu, les mêlées, les touches, les placages, les ballons portés, les passes sautées, le jeu au pied et quelques autres petits détails.

Good Traille

Encore fallait-il à nos Français prendre le match par le bon bout de la lorgnette. Ce qu’ils ont fait, avec courage, en ne lâchant rien d’autre que le ballon après avoir été menés au score (3-6). C’est dans ces moments-là qu’on voit les grandes équipes et Marc Liévremont a assurément couché des géants sur le papier à l’heure de faire sa liste. Lui seul pouvait avoir, à dix matches de la Coupe du monde, l’inspiration géniale de redonner une douzième chance à la doublette magique d’Aguilera, Yachvili-Traille.

La Nouvelle-Zélande est encore loin après tout. A quoi bon se trouver une équipe-type quand on peut faire plaisir à tous ses joueurs ? Les nouveaux ont en tout cas appliqué les consignes tactiques à merveille : multiplier les en-avants pour récupérer des mêlées, il fallait y penser. Ca s’appelle jouer sur ses points forts. Et Météo France est formelle : il pleut aussi parfois à Montpellier. Les avants argentins sont prévenus.

Pendant ce temps-là, les All Blacks n’ont même pas mis cinquante points à l’Ecosse. Petits joueurs.

Top 14 : Le Toulon qu’on pensait

Mathieu Bastareaud portait-il un slip sous son pagne rose ?

Son stagiaire basket se tapant tout le sale boulot depuis deux semaines, la rédaction du Vestiaire, comme 68.800 autres personnes, n’avait vraiment rien à foutre, samedi après-midi, pour aller se farcir un match de Top 14. Elle a surtout vu les danseuses du Moulin rouge, à moitié à poil, des esclaves à moitié à poil en fripes roses, une dresseuse de panthères les seins à l’air et tout le conseil d’administration du fan club français des Pink Floyd.

S’il n’avait pas acheté les places les moins chères, tout en haut des gradins rosoyants du Stade de France, notre ancien envoyé spécial permanent à Bridgend, la ville natale de Lee Byrne, aurait aussi pu voir la simulation de Jean-Philippe Genevois sur le coup de boule de Dimitri Szarzewski ; la simulation d’on ne sait pas vraiment quel Parisien sur l’action qui amène le seul essai du match et celle des danseuses du Moulin rouge dans la loge de Manu Guazzi l’amoureux.

Pour qui Wilkinson Stéphane Glas

Depuis une tribune de presse aussi remplie que les bourses de Louis Picamoles au petit matin à Wellington, Fabien Pelous a aussi vu des soigneurs courir plus vite que les arrières toulonnais, Mister T sans chaînes en or et un Contepomi au four et au moulin (rouge). Que Wilkinson, son arthrose et ses genoux en bois justifient à eux seuls les agios de Mourad Boudjellal n’a en revanche pas plus étonné Lionel Beauxis que Danny Cipriani.

Et alors que Lacroix-Ruggieri faisait partir les seuls éclairs du jour dans le ciel pluvieux de Saint-Denis, Toulouse a impressionné contre Perpignan et ce n’était même pas une finale de Coupe d’Europe. Avec Clermont et Castres en pleine bourre, Marc Lièvremont a sûrement exagéré sa « frustration » automnale. On ne dort plus depuis des semaines, déjà, dans les faubourgs de Suva et de Buenos Aires.