Lavillenie: Docteur Renaud, mister tocard

Vous connaissez l’histoire du Français qui se la raconte grave, qui domine toute la saison et le jour où il faut gagner il perd. C’est un malheureux concours de circonstance ou une histoire française ?

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On pourrait croire qu’à part 11 kilos de muscles, 7 cm, une trentaine de records du monde, 6 titres de champion du monde et probablement quelques compléments alimentaires il n’y a plus guère de différence entre Bubka et Lavillenie.  On aurait pu croire aussi que Renaud allait trouver toutes les excuses du monde pour expliquer qu’il était « le meilleur perchiste du monde » comme l’a surnommé Patrick Montel et qu’il devait gagner. Renaud s’est contenté d’accuser la piste, l’organisation et les conditions. On aurait pu penser qu’il allait modestement rappeler que depuis 2009 il est sur tous les podiums mondiaux. Il ne s’en est pas privé car reconnaitre sa défaite contre plus fort que lui est sans doute encore trop difficile.

Et malgré ce bulbe incroyable qui gonfle sans même qu’on l’arrose, Lavillenie ressemble de plus en plus à un sosie de Galfione et Mesnil et de moins en moins à Bubka. Car Bubka qu’on qualifiait aussi de meilleur perchiste du monde, mais lui l’était vraiment, avait lui aussi au début de sa carrière fait une série similaire mais avec une médaille jaune autour du cou : Helsinki, Rome, Séoul, Tokyo avant le zéro de Barcelone à 29 ans. Les cocos l’avaient même privé des Jeux 84. Putain de Guerre froide. Lavillenie, notre grand champion a donc un palmarès moins honteux que celui de Galfione et son titre olympique et moins ridicule que celui de Mesnil et ses happening nu ou à poil, mais eux ne prétendaient pas dominer la planète. C’est un vieux rêve inaccessible sur lequel les adversaires de Goldorak, Bioman, Inspecteur Gadget et Sergueï Bubka se sont cassés les dents.

La différence c’est aussi que pendant que ses adversaires sautaient, Bubka gardait son survêtement. Il ne l’enlevait qu’après au moins deux heures de concours quand tout le monde ou presque était éliminé. Il se mettait alors à courir, plantait sa grosse perche dans le butoir et franchissait la barrière. A ce moment là, croyez le ou non, mais la légende raconte que ceux qui restaient en lice prenaient un sacré coup dans les clarinettes.

Lavillénie 2011 : Mesnil montant

Jérôme Clavier l’avait prédit : « En passant 5,75m, je pense qu’à 90% c’est la médaille assurée. »

Renaud Lavillénie pourra aller voir Salim Sdiri tant qu’il veut, ça ne l’aidera pas à aller plus haut. L’homme qui a plus de javelots dans le foie que de titres mondiaux a vu comme tout le monde : à 5,65, 5,75, et 5,85 le futur champion du monde saute 6 mètres du premier coup. A 5,90, il saute aussi du premier coup mais 5,50 cette fois. La suite est cousue de fil blanc : un Polonais passe, puis un Cubain, puis Montel n’a plus le cœur à parler de Quinon et Renaud prend un coup dans les clarinettes.

En revanche, Montel parle de la statue qui attend le Cubain à La Havane, normal pour un gars qui améliore son record de 15cm à son troisième essai, le jour d’une finale mondiale. L’adrénaline ou le stress, il fallait choisir, Renaud a choisi. Les perches deviennent trop lourdes, il n’arrive même plus à taper dans ses mains pour le public, il attrape les barres en retombant lors du dernier essai, non sans sauter un mètre au-dessus puisqu’il est quand même le meilleur et de loin.

Couler deux bronzes

Mesnil, lui, avait bien essayé de toucher les barres, mais la gueule dans le sautoir on est toujours un peu court. Il pourra toujours se toucher le barreau en rentrant à la maison ou en courant à poil dans les rues de Paris, mais cette fois pas sûr qu’on le paye pour ça. Tant pis, ça a laissé le temps à Boyon de causer US Open avec Bubka. Oui, Jérôme Clavier a eu un autographe.

Lavillénie éliminé, Montel est réconcilié avec la perche, qui n’est plus en sommeil, contrairement à lui puisqu’il n’y a plus de Français. D’habitude les Slovènes c’est que pour Boyon. Une finale mondiale à 5,85m, ça valait effectivement le coup de chapeau de Monfort, ravi de réunir un champion d’Europe par équipes, sans équipe, en salle et en extérieur, et un Polonais inconnu avec un drapeau sur le dos. Lequel a eu droit à un sujet sur sa passion pour la moto ? Cocorico.

Pendant ce temps-là, Montel fait tout pour convaincre les dépressifs, les insomniaques, les chômeurs longue durée et les autistes de le retrouver à 3h du matin pour voir les séries et entendre Faure.