L’édito : Robin déboise

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Faut-il voler aux bons pour donner aux nuls ?

Le classement ATP est décidément farceur. Alors qu’il nous promettait Andy Murray, voire Novak Djokovic, à la première place, le nouveau leader s’appelle Nadal.  Bon, d’accord, il a tout gagné sur terre battue. D’accord, Federer n’a rien pu faire face à Soderling. D’accord, donc, Nadal est le meilleur alors ? En tout cas, Soderling mérite un gros cadeau de la part des deux meilleurs joueurs de tous les temps. Deux ans de suite, il fait le sale boulot en tableau avec ce qu’il faut de premières balles puis se désintègre en finale comme un vulgaire joueur sans avenir. Du coup, Le Vestiaire ne se foutra pas de la gueule de Murray, Soderling suffit largement.

Le Vestiaire ne se moquera pas non plus de l’équipe de France de foot et de ses automatismes, de Domenech, ou du vieux monsieur responsable de tout ça. On ne tire pas sur l’ambulance car elle sera bien utile pour emmener Papy à l’hospice dans quelques jours.

Bousquet fané

Le Vestiaire ne relèvera pas non plus les 21 »84 de Bousquet sur 50 mètres car il n’aurait pas fini si loin de Popov il y a dix ans, un peu plus de Bousquet en combi l’année dernière par contre. Mais ce n’est pas la combi qui nage toute seule, évidemment. Comme un vélo ne pédale pas tout seul, sauf exception motorisée, bien-sûr, mais n’est-ce pas l’ exception qui confirme la règle. D’ailleurs, Valverde le prouvera à l’issue de sa suspension, comme  Basso et Vino le prouvent aujourd’hui. Il n’y a finalement qu’en athlétisme que le doute est difficile. Christophe Lemaître a fait un bon 20″56 sur 200, Bolt avait fait un moyen 19″56 le 1er mai dernier. Un écart infime après trois semaines de course sur un Tour de France.

Alain possible, nul n’est tout nu

Manaudou à la retraite, notre spécialiste offshore s’était promis après Dunkerque de ne plus jamais mettre de tongs pour écrire un papier. L’exploit de William Meynard nous a contraints à le renvoyer dans l’héros. Popov était-il si mauvais ?

La question était, jeudi, sur toutes les lèvres de Manaudou : quelle marque de moule-bite portait Alain Bernard sous sa combinaison ? Arena, qui n’avait plus réussi à faire d’elle depuis le licenciement abusif de ses ouvriers, a donc frappé Antigone d’un gros cou : le gendarme est le premier asthmatique à franchir le mur du çon (46 »94). Son record  pourrait pourtant ne pas être homologué : la natation française vient de découvrir les vertues de la ceinture flottante. Explications.

Le battement a normalement en crawl un rôle plus stabilisateur que de propulsion. Grâce à une flottabilité accrue, et même démultipliée par la nouvelle génération en néoprène, le rapport s’inverse avec une combi: le battement devient propulseur et l’effort global diminue. Ironie du ressort, c’est ce qui a permis à Bousquet, en finale, de ne pas fléchir dans le dernier 25, là où même les plus grands ont longtemps eu le bambou, comme on dit dans le jargon.

La chronologie du record du monde (RM) est d’ailleurs intéressante à analyser : celui de Matt Biondi (48 »42) a tenu de 1988 à 1994, Popov a gardé le sien (48 »21) jusqu’en 2000, Van den Hoogenband (47 »84) pendant presque huit ans. Depuis les 47 »60 de Bernard à Eindhoven, en mars 2008, la meilleure marque mondiale a été descendue cinq fois.

La lutte Fina

Le RM du 100 mètres a donc été battu deux fois plus souvent en 13 mois qu’en 20 ans. C’est devenu tellement banal que L’Equipe, toujours dans l’air du temps, a préféré se pencher pour la cinquième fois en trois semaines au chevet de l’OL, comme si Le Vestiaire ne l’avait pas déjà fait. Et Michel Denisot attend toujours le feu vert de la Fina pour inviter Bousquet aux Guignols.

La Fédération internationale devra en tout cas harmoniser très vite ses règlements si elle ne veut pas tomber aussi bas que son homologue automobile. En attendant, le vrai débat est mis de côté : et si les progrès textiles n’expliquaient pas tout ? « Sous chacune des combinaisons, il ne faut pas oublier le nageur qui est dedans », rappelait le vice-champion de France. « N’oublions pas non plus ce qui est dedans le nageur », relevait Thierry Bisounours depuis la Bourboule : « On ne fait pas d’un Leveaux un cheval de course. »

Pendant ce temps-là, le roi du petit bain Amaury Leveaux passera l’été à Center Parc. Le Vestiaire vous avait pourtant prévenu.