US Open : Marin d’eau douce

Il est grand, il est fort, et à ce qu’on entend il va régner sur la planète tennis pendant de nombreuses années. Enfin celles qui lui restent, comme on dit des gens qui ont déjà 26 ans.

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Il a tapé fort pendant deux semaines, et comme d’habitude un peu moins contre Gilles Simon qui a failli gagner, mais comme d’habitude juste failli. Marin Cilic était réputé comme émotif et inconstant, il ne l’a pas été contre Berdych qui n’aimait pas le vent, Federer qui n’aimait pas ses années de trop et Nishikori qui se demande sans doute encore quand se joue la finale. Il ne faut pas être injuste avec Marin : cela n’enlève rien à son immense mérite, avoir servi la majorité de ses balles dans les carrés de service pour s’assurer les points. Bravo champion.

Mais en vérité, il y a un mérite encore plus grand, relayé par tout ce que les médias du monde entier comptent de représentants hasardeux : le tennis aurait définitivement changé d’ère et la nouvelle génération serait là, dents acérées et progrès phénoménaux. Reprenons donc. Nadal est forfait pour une demi-année, comme tous les deux ans depuis qu’il a chaussé ses genoux d’haltérophile septuagénaire. Murray se remet difficilement d’une opération du dos et d’un début de carrière parfois humiliant. Quant au maître de notre temps, qui se produit chaque semaine aux quatre coins du monde sans jamais plus trouver la solution contre les grands costauds qui tapent fort, ne serait-ce que le moindre chip de revers, il n’atteint plus, méticuleusement, que des finales de Wimbledon. Et encore quand les autres traversent une mauvaise passe.

On peut sans trop de difficulté affirmer que c’est le cas, puisqu’il ne restait à ce tableau de morts-vivants que Djokovic, et que l’imparfait est de circonstance depuis la demi-finale contre l’élève de Chang. Cette dernière remarque n’a rien de raciste, c’est vraiment son entraîneur. Il y a dans cette demi-finale un élément troublant, ce 6-1 au deuxième set, quand Djokovic a préféré jouer plutôt que gueuler des insanités en serbe. Le reste n’est que fautes directes et illusion d’un incroyable coup droit nippon, car l’incroyable coup droit nippon en question a paru moins incroyable que son homologue croate en finale.

En exclusivité, le Vestiaire détient la preuve ultime que non, le niveau ne s’est pas maintenu : la finale était un match de merde. Mais c’est quand même pas leur faute si même Wawrinka n’a pas réussi à en profiter cette fois.

Federer-Nadal : La taule à perpétuité

Le score donne une idée des compétences respectives d’Andy Murray et Jean-Paul Loth, deux des plus grands champions de notre époque.

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Cette fois c’est sûr, Roger Federer est bien de retour à son meilleur niveau. Après avoir humilié quelques top 100, après avoir humilié Tsonga, et après Murray, il ne lui manquait plus qu’une chose : en prendre une bonne contre Nadal. C’est à ça qu’on mesure son niveau de forme. L’important n’est plus de savoir comment Federer va battre Nadal, plus du tout, mais juste s’il va l’affronter. Ca veut dire qu’il est en demi-finale, et c’est la meilleure nouvelle pour tous les amoureux du beau jeu. Federer a perdu leurs cinq derniers matchs en Grand Chelem, et il ne l’a plus battu en cinq sets depuis Wimbledon 2007. Mais aujourd’hui il monte à la volée comme un Dieu, et après sept ou huit passings gagnants de Nadal, quand Roger en dépose une ça donne envie de chialer tellement c’est beau. Edberg a bien fait de venir.

Le souci c’est qu’à côté de la putain de volée amortie, pas grand-chose n’a changé à part l’âge de Roger dans cette histoire. Nadal pilonne toujours le revers de Roger, Roger résiste souvent bien dans la première manche, et puis à un moment il explose. A deux exceptions près : quand les matchs se jouent sur herbe, et quand il a moins de 28 ans. Ca ne laisse plus beaucoup de marge. Mais heureusement le genou de Nadal peut lui filer un coup de main. Parce qu’une ampoule purulente à la main, ça empêche Nadal de bien tenir sa raquette, mais pas de gagner en trois sets. Ca faisait bien longtemps que Roger n’avait pas erré sur le court sans trouver de solution, comme s’il voyait Mirka caresser la cuisse d’Edberg. Ca faisait longtemps, ça fait plaisir.

Pendant ce temps-là, on a pu reparler pendant deux jours de la rivalité Nadal-Federer. A 23-10 pour Nadal, et 9-2 en Grand Chelem, on pourra encore parler de rivalité longtemps, mais on ne sera plus obligé d’y croire.

Medias, Eurosport : Rod Laver urina

Décidément il est éternel, encore plus quand les autres sont blessés, pas bons ou déjà éliminés. On en saura vite plus.

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Elle s’appelle Clémentine Sarlat, elle pourrait contraindre pas mal de nos lecteurs à salir leur écran, et sinon elle anime le plateau d’Eurosport. Animer n’est pas un vain mot puisqu’avec elle autour d’une table il y a Jean-Paul Loth et Christophe Rochus, et qu’il faut trouver autre chose à dire sur le jeu de Federer que tous les bons conseils de Mouratoglou pour l’améliorer. Et tout ça sans dire « transfert du poids du corps », Bartoli a explosé le quota ; à croire que le poids du corps est son obsession.

Mais parler de Federer reste encore la meilleure option parce que ça évite de parler des demi-finales féminines. Clémentine s’y est collée et a confondu Radwanska et Cibulkova. Certains rédacteurs en chef du Vestiaire s’y laisseraient probablement prendre eux-mêmes, mais jamais avec une caméra qui tourne. Ainsi va la vie de Clémentine Sarlat, qui ne comprend son erreur que cinq minutes plus tard parce que Rochus n’a pas osé la contredire et a fait comme si de rien. Dans la compétence générale, il était temps de lancer une bien sympathique rubrique baptisée « l’edito de Jean-Paul ». Une charmante pastille à peine trop longue où il dit qu’il aime les joueurs qui se motivent pour gagner et qu’il n’aime pas les joueurs qui ne respectent pas les arbitres et les ramasseurs de balle et qui se plaignent. On n’y apprend rien du tout à part qu’Eurosport a fini par demander à ses consultants un petit effort pour justifier les rémunérations. En remerciement, il a eu son jingle et personne ne l’a coupé quand il a suggéré qu’entre un joueur et un entraîneur, c’est comme dans un couple, parfois on ne s’entend plus et on va voir ailleurs. Chamou comprend mieux pour sa femme.

Mais avant que Clémentine prenne les choses en mains, ce qui a pu intéresser Loth, il y a eu un match sur lequel il faut revenir. Car là encore, Loth est intervenu. Bien conscient que Mouratoglou avait placé déjà bien haut la barre du péremptoire, et conscient aussi que tout le monde allait dire que Federer était de retour dans les secondes à venir, il n’a pas hésité. Il a donc été le premier à dire officiellement que Rodger joue peut-être mieux qu’avant car il suit ses attaques à la volée. Rochus était baisé : il ne pouvait qu’acquiescer, tentant maladroitement de faire comprendre que Federer était favori face à Nadal. Saloperie d’escalade, saloperie d’ego.

En parlant d’ego, Roger est effectivement de retour. A son niveau d’avant sa blessure, c’est-à-dire qu’il ne perd plus contre des tocards. Avant d’affronter Nadal, c’est l’heure d’un premier bilan de son Open d’Australie : il a taulé Duckworth, Kavcic, Gabashvili, Tsonga. Et donc Murray qui ne pouvait tenir que trois sets, en réussissant quatre balles de break sur 17, en se chiant dessus quand il a servi pour le match dans les 3e, et en chiant sur ses deux balles de match dans le tie break qui a suivi. Ca rappelle effectivement le plus grand Federer.

Mais ce qui impressionne tout le monde, c’est qu’il court encore, qu’il sait encore attaquer avec son coup droit, il a même bien défendu pendant plus de deux sets. Donc tout ça n’est pas simplement un regain de forme pour un joueur qui a gagné un Grand Chelem sur quinze depuis quatre ans, et sur herbe, mais directement un progrès qui fait de lui le plus grand de tous les Roger, celui qui n’a aucune pitié pour un Tsonga nul, pour un Murray convalescent, et qui s’avance vers Nadal bardé de confiance, avec une nouvelle Wilson qui déchire grave, un bandeau rose qui va aussi bien aux petits garçons qu’aux filles, et en checkant Courier qui cire ses Nike sur le court après chaque victoire. Rod Laver l’aurait bien fait, mais il a eu besoin d’une vielle dame pour le ramasser après la balle de match.

Pendant ce temps-là, Nadal a mal partout et il pense qu’il va devoir hausser son niveau pour aller en finale. Même pas sûr.

Federer-Tsonga : Les francs Suisses

 Bon, Tsonga qui gagne le tournoi c’est plus possible. On va dire Federer et on verra dans deux jours.

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C’est encore un superbe duel que se sont livrés le Suisse qui parle français et le Français qui vit en Suisse. Du tennis champagne qui accouche toujours d’un futur vainqueur de Grand Chelem. L’an dernier en Australie Federer avait gagné le quart, le prélude à sa renaissance. Puis à Roland Garros Tsonga avait mis une branlée à Roger en quart, et il devenait favori face à Ferrer. Et au petit jeu de la revanche, Federer a de nouveau bombé l’ego pour torcher Tsonga, le prélude à sa renaissance mis cette fois c’est vrai. Tout a changé : cette fois c’est un 8e de finale. Et ce n’est pas Mauresmo qui le trouve fit, très en jambes et impressionnant parce qu’il n’a pas perdu un set avant son quart de finale, c’est Bartoli.

Mais revenons au match de la renaissance. Roger revient à un très haut niveau. En mettant des taules à tout le monde, y compris à un top 10 français blessé le tiers de la saison l’an dernier, il prouve qu’il est de retour. Être de retour ça veut dire qu’il est magnifique à voir jouer, qu’il sert comme un Dieu, qu’il défend super bien quand l’attaque de Tsonga passe au milieu de dix fautes directes. Être de retour ça pourrait vouloir dire qu’il va tenir l’intensité de Nadal et Djoko facilement, qu’il va défendre et jouer tous les points à fond pendant 4h, et pourquoi leur apprendre le tennis parce qu’il est meilleur que jamais. En plus son coach c’est Edberg maintenant, et tout le monde sait que les deux autres ne savent pas faire un passing.

Ou alors Edberg est pas vraiment coach, Tsonga est pas vraiment bon et Federer est simplement remis de sa blessure au dos, donc tout est normal. Mais il est toujours vieux, ce qui ne dispense pas de battre Murray en quart. Mais de nos jours personne ne peut aller en demie sans devenir le plus grand joueur de l’histoire ; ça vaudra une nouvelle photo avec Rod Laver, tout au plus.

Evidemment il y a une contrepartie à tout ça : Jo-Wilfried a été pas mal mais en retour de service c’était pas ça, et puis le jeu de jambes non plus, et puis la concentration ça aurait pu être mieux, et puis ses volées dans le bas du filet ça suffit pas pour surprendre Federer. Par contre la coupe à la Eboué c’était sympa, surtout pour balancer ses balles au-dessus du toit ou balancer sa raquette au changement de côté. Ça sent pas la victoire en Grand Chelem mais ça ne change pas l’essentiel : Tsonga reste le meilleur joueur français depuis Noah.

Pendant ce temps-là, Nadal a aussi mis trois sets à un Japonais qui avait éliminé Tsonga en 8e il y a deux ans. Mais il inquiète tout le monde.

Roger Federer : Bjorn morgue

A l’occasion de sa tournée d’adieu, le Vestiaire accompagnera les ultimes déclarations méprisantes de Roger Federer. Etre la légende de son sport ça se paye un jour ou l’autre, pour autant pas besoin d’en être une pour être bien payé a toujours affirmé Fabrice cent euros. C’est la tournée d’adieu du Vestiaire ou de Federer ?

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36 quarts de finale de Grand Chelem de suite, ça vous classe une star. Bientôt on comptera ses huitièmes. Et pourquoi pas ses premiers tours ?

Si Mirka veut ajouter un enfant aux petites jumelles, pas de problème : Roger a passé une première semaine à Roland avec les certitudes d’un jeune père qui vient de torcher trois trous du cul d’une seule main. Après avoir révélé en toute simplicité qu’il « ne connaissait pas » Carreno Busta, après s’être agacé avec fair-play que le deuxième match contre Devaarman « ne suffirait pas et qu’il faudrait un entraînement avant Benneteau », Roger a « eu de la peine pour la jambe » de Julien. « Je me bats avec mon français que j’ai appris à 14 ans » précisa-t-il à Nelson qui venait de le traiter de bilingue, ce qu’il n’avait même jamais dit à Montel. Humble un jour, humble toujours. Il a d’ailleurs dit le mot humble juste après sans raison, au cas où les gens auraient un doute. Mais ils n’en ont pas, pas plus qu’au sujet de Nelson. Les deux font la Paire.

Qui suisse-je ?

Mais un Grand Chelem, c’est comme une fin de carrière : une montée en gamme progressive. Visiblement soucieux de perdre un set, il en a perdu deux. Tout est devenu moins facile alors que, pourtant, rien ne semble jamais plus dur contre Simon. Heureux de s’en être sorti, le maître du monde a eu la félicitation facile : « Au moins maintenant, je connais le prénom de Simon. » Il dit ça mais les imprimeurs qu’il finance oseraient-ils mettre « I love Gilou » sur des casquettes au lieu de « I love Roger », ou mettre un drapeau français en fond de la pancarte « Ssshhh, genius at work » ? Comme on dit, on a le merchandising qu’on mérite.

Ca peut paraître méprisant mais l’interprétation est trop facile, ok : il aurait tout aussi bien pu signifier au public français, avec bonhomie, qu’entendre le prénom de l’adversaire, on lui fait une fois, pas deux. Comment ne pas l’imaginer magnanime et plutôt de bonne humeur : il venait de gagner avant 20h ce qui préservait sa réservation pour dîner, ces cons de Français croyaient avoir assisté au remake de sa demie contre Djoko – ce qui est toujours bon pour le business – et il revoyait Santoro sur un court mais en costume. Trois bonnes nouvelles d’un coup, ça vous arracherait un sourire au diable avec une croix blanche tatouée au milieu du drapeau.

Un bon gros Connors

En tout cas, le stade était aux anges, Simon lui-même ne pouvait que donner l’accolade à un champion aussi sympa en disant à la foule que tout le monde l’adore. Un ex-numéro un mondial qui a tous les records, président du syndicat des joueurs, qui pourrait prendre son jet privé pour aller se laver dans une baignoire de pognon à Dubai une fois par semaine, comment ne pas l’aimer comme le parrain de ses enfants ? Même Luyat n’arrive pas à lui en vouloir d’avoir décliné à la dernière minute l’invitation de venir tripoter le micro de Golovin lundi. « Il a promis de venir mercredi. » Ben oui mardi il a prévu d’apprendre le prénom de Tsonga.