L’Hommage : Pas Manceau pour un sou

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La Scuderia du pauvre a une confiance aveugle en son pilote essayeur, qui ne voit pas beaucoup mieux. Le taurillon mayennais repart cette saison pour un tour avec l’ambition d’en boucler un peu plus.

Toro Rosso n’a donc pas attendu le printemps pour donner raison au Vestiaire : Bourdais aura la deuxième chance que Ronnie Peterson n’a jamais eue. L’astigmate le plus rapide du monde fait tellement l’unanimité dans son équipe qu’elle n’a mis que six mois pour le confirmer. Ce n’est pas grand-chose, après tout, à l’échelle de la carrière de Barichello.

Bourdais, en 2008, ce n’était pas que l’imposture dénoncée par quelques sites confidentiels. Il a quand même tenu toute la saison la dragée haute à Trulli et Sutil dans les premiers virages ; il s’est chargé lui-même de vérifier la résistance de la STR3 sur les murs de Barcelone et a mené de main de maître le Grand Prix du Japon. Pendant trois tours.

Le meilleur pilote français de la deuxième moitié des années 2000 a surtout connu Gerhard Berger et les frissons du podium virtuel, mais il préfère après les courses la compagnie de ses mécanos aux cérémonies protocolaires. C’est tout à son honneur.

Crashé dans son myope

La concurrence de Sato n’était donc qu’un leurre, orchestré dans l’ombre par les publicitaires de Red Bull. Les médias ont fait monter la sauce mayennaise sans même se poser la question : à quoi bon remplacer un binoclard fauché par un suicidaire sans le sou ?

Le premier avait au moins le mérite de connaître la voiture et les couloirs de l’usine. Il sera cette saison l’équipier de luxe d’un Suisse de 20 ans pétri d’expérience : deux titres nationaux en Mini et une saison de GP2 finie juste derrière Pantano, Senna, Di Grassi, Grosjean et Maldonado. Que du beau monde. Combien sont aujourd’hui en F1 ?

Pendant ce temps-là, Bourdais récolte enfin les fruits de sa saison 2008 : sa licence est dix fois moins chère que celle d’Hamilton.

Sébastien c’est flou

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Le site officiel de Toro Rosso a abandonné le Français pour le Japonais et les fans de La Bourde s’interrogent : quelle langue parle-t-on à Laigné-en-Belin ?

Si Paul Newman était encore de ce monde, il n’aurait pas eu à partager avec Carlos et Depardieu les rétrospectives de l’année 2008. Il ne regretterait plus d’avoir arrêté sa carrière au bon moment et se demanderait quel mauvais remake lui joue son protégé à lunettes. Sébastien Bourdais lui a refait en quelques mois toute sa filmographie : Ce Monde à part, Virages, L’Arnaqueur, Les Sentiers de la perdition, La Couleur de l’argent.

Il ne lui en resterait qu’un seul à tourner – Le Verdict – mais comme General Motors et Ross Brawn, l’industrie cinématographique n’est pas épargnée par la crise. La production chercherait même à imposer sa doublure japonaise, moins coûteuse, mais personne n’est dupe : il n’y a bien qu’à Marseille et au Marineland qu’on remplace un manchot par un autre.

Les 12, Sato part

Bourdais, son maigre salaire à part, n’est pas plus riche qu’il y a deux mois, quand Le Vestiaire dressait un bilan sans concession (automobile) de sa première saison catastrophique. Le talent ne s’achète pas, nous avaient alors répondu Pedro Diniz et Gaston Mazzacane. Sato n’a pas voulu les croire; du moins jusqu’à ce que Subaru, Kawasaki et Honda se chargent de rappeler à Toro Rosso que l’herbe n’est pas beaucoup plus verte au soleil levant.

Si la Scuderia du pauvre hésite encore entre la peste et le coléreux, c’est qu’elle espère bien choper autre chose avant les premiers essais libres de Melburne. D’après nos sources minérales, Red Bull aimerait associer l’expérience de Jenson Button aux oreilles de Buemi. L’attribution du numéro 12 (photo), le seul laissé vacant cette semaine par la FIA, dépendra donc du rachat de Honda  Racing. Les fans de Bourdais peuvent toujours se cotiser.

Pendant ce temps-là, Alessandro Zanardi s’est reconverti sur deux roues.

Bilan Le-Vestiaire.net : Bourday after day

L’avenir de Sébastien Bourdais en Formule 1 s’écrit désormais en bas d’un chèque : 10 millions d’euros. Et s’il ne lui manquait pas que l’argent ?

Australie. Quatrième, sans avoir fait un dépassement, de son premier GP en F1, il est trahi par son moteur à deux tours de l’arrivée. La malchance le frappe déjà. Elle ne le lâchera plus. Les efforts conjugués de Piquette et Nakajima lui permettent quand même, avec deux points, de devancer les deux Ferrari au classement des pilotes.

Malaisie. Parti en fond de grille après avoir changé son moteur, il finit sa course dans le bac à sable du sixième virage. Mais cette fois encore, il a une bonne excuse : « Il y a des voitures partout, c’est vraiment très déstabilisant. »

Bahreïn. Son GP, c’est lui qui le dit, « n’a rien de très excitant ». Une course « sans histoire, mais sans grande excitation non plus ». C’est pareil à la maison avec Claire.

Espagne. En confiance après avoir détruit en essais privés, sur une erreur de pilotage « bête et méchante », l’évolution de sa charrette, il est victime au septième tour d’une tentative de dépassement de Piquette, qu’il n’a pas senti venir, par derrière. Le fourbe.

Turquie. Une casse mécanique au 26e tour l’empêche de voir l’arrivée. Le retrait des Super Aguri lui ouvrait pourtant un boulevard.

Monaco. La météo lui joue cette fois un bien vilain tour. De la buée plein les lunettes, il ne voit pas Coulthard, mal garé sur le côté de la route. Et là, c’est le drame : « Je me disais ça va, ça va. Et puis à un moment ça n’allait plus du tout. La voiture s’est dérobée en aquaplanage et je suis parti à la faute. »

Canada. Il commence enfin à réaliser que « la F1 n’est pas une Champ Car », que ça va un peu plus vite en ligne droite et qu’il n’y a pas vraiment sa place. « C’est mon pire week-end de pilote automobile depuis très longtemps. J’ai été un passager de ma propre voiture. » C’est joliment dit.

France. Il crédite son public d’une solide 17e place : « C’est bien de sentir que je ne suis pas complètement invisible malgré mes modestes résultats. »

Grande-Bretagne. La pluie l’empêche encore d’exploiter tout le potentiel d’une voiture qu’il n’arrive de toute façon pas à régler : « J’en bave, mais je vais continuer encore un peu à chercher une solution. » Partir en tête-à-queue n’en est peut-être pas une.

Allemagne. La série noire continue, et pas seulement pour Hamilton. Le Manceau est privé des deux séances d’essais libres, sa course n’est pas beaucoup plus excitante et Vettel prend définitivement l’ascendant.

Hongrie. « Encore un week-end à oublier. » Rétrogradé de cinq places sur la grille pour avoir bouchonné Heidfeld en qualifs, il s’enflamme à son premier arrêt au stand et finit avec trois tours de retard. C’est mieux que rien.

Europe. Les Toro Rosso, après trois semaines de trêve estivale, sont méconnaissables. Il en profite pour accrocher le top ten, mais dixième, ça ne suffit pas à marquer des points.

Belgique. Il passe en deux virages de la quatrième à la septième place. Le climat belge est aussi incertain que son pilotage sous la pluie. Il prend quand même deux points. Ses derniers de la saison.

Italie. Qualifié à une inhabituelle quatrième place, il rate complètement sa procédure de départ. Le moteur cale et c’est avec un tour de retard qu’il savoure la première victoire de son coéquipier de 19 ans. Sans ce fichu embrayage, « c’est la troisième place (qu’il) pouvait viser » pourtant.

Singapour. La nuit ne lui porte pas plus conseil que son ami Paul Newman, disparu dans la semaine. La Marseillaise résonne pour la première fois de la saison dans les paddocks. Elle n’est pas pour lui, mais il s’en fout, il n’a pas encaissé le décalotage horaire pour rien : « C’est beau des F1 la nuit. »

Japon. Leader virtuel pendant trois tours, il réalise sans doute la meilleure course de sa saison. Enfin tranchant, il est sorti des points après la course par une pénalité de 25 secondes injustifiée. Il ne s’en remettra pas.

Chine. « En haut de la liste » de Berger, il fait dans le premier virage les frais du train arrière de Trulli, qui a l’audace de freiner devant lui. L’inconscient. Une mésaventure de plus dans « l’une des saisons les plus pourries de (sa) carrière ».

Brésil. « Une course à l’image de beaucoup d’autres cette année. » Sans relief, loin de Vettel et encore ponctuée de malchance. Le sort s’acharne comme Trulli, qui tente un nouveau dépassement. Et lui qui croyait que c’était interdit en F1.

Bourdais, on le répète, n’est pas un mauvais pilote, mais le bilan de sa saison parle de lui-même : deux courses honnêtes (Australie et Japon) et une bonne séance de qualifs (Italie) au milieu du naufrage ne suffisent pas à plaider sa cause auprès de Toro Rosso. Il n’a jamais trouvé les bons réglages sur la STR2, retardé sur une faute de pilotage l’arrivée de la STR3 et gravement souffert la comparaison avec Vettel, pourtant beaucoup moins expérimenté. Le Français ne doit pas qu’à la seule malchance ou aux manœuvres audacieuses de ses adversaires le désaveu manifeste de son équipe, qui a quand même osé le mettre en concurrence avec Sato et Buemi. Ca veut tout dire. Ses chroniques lucides « Au cœur de la F1 », dont la majorité des citations de cet article sont extraites, manqueront autant à son sport que les campings sauvages de Magny-Cours. Laffite lui cèdera-t-il son fauteuil de consultant ?