Lorient et l’accident (2/2) : L’étoffe des Gameiro

Maxime Baca est éternel.

Christian Gourcuff ne partage pas seulement avec Tiburce Darou son fournisseur de hanche en plastique. Les deux gourous frisonnants ont aussi en commun un dédain naturel pour les médias qui ne cirent pas suffisamment leurs baskets et une même incapacité à se remettre en question. La mauvaise saison du FC Lorient n’a de toute façon rien à voir avec son entraîneur. Quand on a été prof de maths et qu’on continue à donner des leçons de foot dans GQ magazine, on ne peut pas foncièrement avoir tort. Ce n’est quand même pas de sa faute si tous les entraîneurs de Ligue 1 à part Laurent Fournier ont compris la façon de contourner son 4-4-2 si imprévisible depuis dix ans. Et ce n’est pas de sa faute non plus, lui dont l’influence et les prérogatives sont tellement insignifiantes à Lorient, si le recrutement de l’été dernier a été complètement foiré.

Le plan Campbell

Grâce à lui, on a enfin compris pourquoi Jérémie Aliadière, recruté contre l’avis du corps médical (comme Julien Quercia, carence en calcium et jambe cassée pour la saison dès le premier tacle appuyé de Méïté), a fini sans club sa carrière en Angleterre. Trois bons matches pour une prolongation de contrat avec une grosse revalorisation salariale : l’ancien futur Thierry Henry blanc a au moins le sens des affaires à défaut d’avoir celui du but. Le recrutement lorientais, c’est aussi Mathieu Coutadeur, qui après Le Mans et Monaco pourrait réussir à faire descendre sa troisième équipe en Ligue 2 ; Joel Campbell, la pépite costaricaine prêtée par Arsenal, qui n’a toujours pas trouvé Big Ben dans le Morbihan ; Pedrinho, un coureur portugais, et Innocent Emeghara, aussi adroit devant le but qu’il a 22 ans.

Féry tale

Il faut dire que le club n’avait pas encore touché l’été dernier les premiers intérêts des vingt millions récoltés par les transferts de Koscielny et Gameiro. Le président Loïc Féry, qui s’y connaît en mouvements bancaires pour avoir fait les frais d’une affaire Kerviel avant même l’affaire Kerviel, a retenu la leçon pour le mercato d’hiver en attirant du lourd en Bretagne : Douniama, Lautoa, Gassama. Dans l’ordre : un attaquant d’1m62 avec dix matches de Ligue 2 dans les jambes, un défenseur de Sedan et un indésirable de l’OL déjà blessé pour plusieurs mois. La belle affaire.

Lorient et l’accident (1/2) : Les petits Moustoir

Christian Gourcuff est bien le père de son fils.

Ceux qui s’inquièteraient pour l’avenir du FC Lorient en Ligue 1 ne connaissent sans doute pas les trésors d’ingéniosité que cache Christian Gourcuff sous son casque frisé. Alors que son équipe n’avait plus gagné un match depuis trois mois, le plus Breton des entraîneurs bretons a d’abord eu la bonne idée de la faire travailler à huis-clos pendant une semaine avant de recevoir Rennes. Dehors les douze chômeurs et les deux journalistes qui viennent passer le temps chaque matin au Moustoir ! Enfin libérés de la pression, les Merlus ont perdu 2-0 à domicile, mais Ecuele Manga et Lamine Koné ont fait plus de passes à eux deux que tous les Rennais réunis et c’est bien ça qui compte.

Hennebont pour le service

Pour fluidifier encore un peu plus le jeu à une touche de balle entre ses défenseurs, Gourcuff père a ensuite décidé d’emmener toute sa troupe en stage au bord de la mer. Pour bien bousculer les habitudes, il a choisi Carnac, à 40 km de Lorient ; plus de deux fois la distance qu’il accomplit chaque été entre sa maison d’Hennebont et sa résidence secondaire de Gâvres. Un monde. Les Lorientais ont été tellement dépaysés que le miracle s’est produit le week-end d’après à Ajaccio : Grégory Bourillon a marqué un but. Ilan aussi.

Moustoir academy

Malheureusement, les effets du stage se sont rapidement estompés. Une défaite à domicile contre Evian-Thonon-Gaillard, une autre la semaine d’après à Nice et les voilà relégables pour la première fois de la saison. Alors, cette fois, Gourcuff a déployé les grands moyens en appelant un vieux copain à la rescousse : Tiburce Darou, le préparateur physique et mental de la Star Ac, qui est aussi celui de son fils, ce qui est un peu pareil. Faire venir le préparateur physique et mental d’un autiste blessé depuis six mois pour sauver des estropiés de la relégation : il fallait y penser. A la prochaine défaite, le Morbihanno-Finistérien fera chanter Nolwenn Leroy dans les vestiaires tant que son équipe n’aura pas eu 65% de possession de balle.

Equipe de France, Euro 2012 : Blanc comme un linge

La brève a été publiée, samedi matin, à 9 h 27 sur le site Internet de L’Equipe : « Aliadière au chômage ».

Jérémie Aliadière a 27 ans. Si les recruteurs d’Arsenal avaient été écoutés, il y a onze ans, il aurait levé la Coupe du monde en juillet dernier. Leader magique d’une génération enchantée. Pour la première fois, l’équipe de France n’a pas connu de creux. Aliadière, Meghni, le jeune Gourcuff et Méxès, entourés des tauliers Gallas et Abidal, ponctués d’Anelka et Benzema devant, ont offert un nouveau sacre au pays de Houiller. Le manager d’Arsenal s’appelait Arsène Wenger, une partie des joueurs alignés face à la Biélorussie ont été recrutés par Arsène Wenger.

Le Vestiaire l’avait donc dit à la veille de France-Pays-Bas 2008 et répété ensuite, la France n’a pas construit de génération capable de gagner. La génération Jacquet s’était établie sur les ruines des précédentes, Blanc n’a même pas de ruines, il n’a rien. Ou plutôt juste trois joueurs du plus haut niveau : Lloris, Benzema et Ribéry. La cause est naturelle bien-sûr, mais aussi humaine : six ans de Domenech. Ce n’est évidemment pas de la faute à Domenech si Escudé, Givet, Squillaci, Ciani, Rami, Abidal, Evra, Clichy, Sagna et Escudé n’ont pas le niveau international. Ce n’est pas de sa faute non plus si Diaby, Diarra, Toulalan, M’Vila, Gourcuff et Nasri n’ont pas le niveau international. Ce n’est pas de sa faute non plus si Hoarau, Gignac, Remy, Saha et Cissé sont nuls à chier. Mais faut-il être aussi définitif ? Sans aucun doute, car tous ces joueurs ont fait leurs preuves en club, il était donc inutile de les sélectionner. En revanche, Deschamps, Blanc, Djorkaeff, Desailly, tous membres éminents de la génération France-Bulgarie, ont eux aussi fait leurs preuves en club. Blanc ayant démarré sa carrière un peu plus tard, sans toutefois parvenir à stopper Crespo dans les règles de l’art.

Alou y es-tu ?

Puisque  la France, a priori, ne déclarera pas forfait pour les cinq prochaines années, il faudra quand même essayer de monter une équipe. Derrière, Blanc possède aujourd’hui, à son image, un joueur tout aussi moyen, évoluant dans un club moyen, mais moins que les autres et qui est quand même le meilleur de tous à son poste : Philippe Méxès. Personne ne peut l’accompagner pour l’instant en attendant de re-tester Planus. Au poste de latéral, Tremoulinas n’a pas encore été essayé, mais il reste le meilleur sur ses performances individuelles et ce malgré le quart de finale aller de Ligue des champions et un but offert à un Manceau.

Comme Sagna et Chalmé ne prévoient pas de faire un enfant, autant garder Sagna. Au milieu, les Diarra n’ont pas d’équivalent en attendant qu’ils jouent enfin avec les Bleus, puisque Mavuba est visiblement interdit de sélection. Et comme Ben Arfa se réservera pour Newcastle et que Hazard s’est trompé de côté, on se passera de créateur. Devant, Benzema, Ribéry et Malouda sont les meilleurs. Anelka pourrait les suivre, mais il a eu un empêchement. Il n’y a donc pas charnière défensive, pas de créateur, pas de leaders. Ce n’est donc pas que de la faute à Blanc si la France a réalisé vendredi son pire match depuis France-Israël 1993. Pas que, donc. Car Domenech battait quand même la Lituanie, mais il avait Ribéry.

Lloris. Abidal ne jouait pas, Clichy oui.

Sagna. Pour sa première sélection, il a tenté de contenir au mieux sa fébrilité et assuré le strict minimum.

Rami. Quelques dribbles pour se relancer dans ses vingt mètres : il apprend vite.

Méxès. La vivacité des attaquants biélorusses l’a gêné, mais en août c’est le strict minimum.

Clichy. « Sur l’action du but, le ballon m’a tapé le pied. » C’est le principe du foot en effet.

M’Vila. On l’a pas mal vu, sauf quand les Biélorusses arrivaient à quatre ou cinq plein axe face à Lloris. Ce n’est arrivé qu’une demi-douzaine de fois. C’est quoi le rôle d’un demi-défensif déjà ?

Diaby. Le Costa Rica n’était finalement pas une aussi bonne équipe que ça. On va quand même attendre un match contre Stoke pour le juger.

Rémy. L’OM lui a donné une nouvelle dimension : il remonte les bras en décélérant comme Henry et il obtient des touches.

Valbuena. Il ne sait toujours pas trop bien ce qu’il va faire, alors des fois c’est un retourné, des fois une frappe cadrée.

Ménez. Son adaptation à l’AS Roma ne saurait faire oublier qu’il joue à l’AS Roma.

Malouda. Ribéry battait la Lituanie sans brassard.

Hoarau. Atypiquement lent et mauvais techniquement.

Saha. S’il y avait un doute, il n’y en a plus.

Gameiro. Un débordement et une occasion en quelques minutes. Gignac va regretter d’avoir quitté Lorient.

Question interdite : Gourcuff jouera-t-il bientôt en Allemagne ?

Cinq buts, dont deux doublés, en août 2009, et six passes, dont deux doublés, en août 2009. Décisif lors de sept matches de Ligue 1, c’était la définition du meneur de jeu moderne en février dernier. Meriem veut maintenant la réciter en arlésien. Heureusement, il y avait aussi eu ce but contre le Bayern, de la tête. Depuis, il y a eu ce coup-franc contre des Grecs.

Le 23 février dernier, Le Vestiaire avait osé évoquer le talent de juristes italiens qui avaient réussi à revendre leur plus mauvais joueur près de sept fois sa valeur réelle. Car aujourd’hui, si Aulas hésite à sortir un euro pour Gourcuff, alors qu’ils en a mis vingt sur Lisandro, ce n’est plus tout à fait un hasard. Celui qui fut d’abord un espoir comme Aliadière et Meghni, avant de tenter l’expérience de devenir Aliadière et Meghni, a désormais tout pour devenir Aliadière et Meghni. Combien de temps son but contre le PSG en 2008 va-t-il encore marquer les esprits ? Qui se souvient que Guivarc’h a marqué pour sa première sélection en bleu ?

Pourtant, Gourcuff a eu sa période dorée, comme chaque grand espoir. Pour Pedros, ça a duré trois ans. Gourcuff en est déjà à quatorze matches réussis en deux ans. Parmi eux, trois rencontres qui comptent : une mi-temps en équipe de France, un coup-franc contre l’Olympiakos et, et rien d’autre finalement. Suffisant toutefois pour que chacun ait au fond de soi une vague image de Gourcuff avec un accent marseillais de Cannes. Mais l’image s’estompe, jusqu’ici Gourcuff apportait plus psychologiquement qu’il ne coûtait par ses déchets techniques. Désormais, la tendance s’inverse au point que plus personne n’en veut et qu’il sera prochainement bradé. Sa seule chance est de retrouver son niveau, mais il semble que le niveau soit bien celui entrevu au cours de 95% de ses matches et non des 5% restants. Sinon Dhorasoo n’aurait jamais eu le temps de tourner son film. Gourcuff ne fait plus peur à personne, bientôt même son père se renseignera sur les prix du marché.

Juni tout en bloc

Pour la destination de sa prochaine passe décisive dans le jeu, Brême ou Villareal devraient suffire. Ses buts, ses passes, ses contrôles, ses dribbles contre le PSG attestent d’un niveau, sa panenka ratée d’un autre et les performances d’Higuain d’un troisième. Une typologie est toujours utile pour expliquer les frappes de trente-cinq mètres qui ne dépassent plus les seize mètres, les coups francs dans les tibias des adversaires, les passes en profondeur millimétrées pour toutes les charnières centrales de Ligue 1 et les roulettes qui ne trompent plus Diego Perez ni Damien Marcq. Ni même récemment Giroud et Yanga Mbiwa, et encore, il s’agissait plus d’une conduite de balle que d’une roulette. Bientôt, on ne pourra plus lui reprocher d’avoir raté sa Coupe du monde. Pour devenir un grand joueur, faut-il être bon tout le temps, parfois, ou rarement et si possible qu’en championnat national ?

« A quinze millions, tout le monde avait fini par croire la théorie du leader technique. Mais le volume de jeu de l’ancien nouveau Zidane est devenu équivalent à celui du vrai Zidane dans le Madrid d’aujourd’hui. » Le reste, on vous l’a évidemment déjà raconté.