Une victoire et deux finales en 10 ans : le parcours serait presque honorable si on n’attendait pas une performance depuis 7 ans. Domenech aurait-il trouvé son maître ? « C’est en tout cas très positif. » Voici l’histoire d’un tennisman moyen devenu un capitaine moyen, consultant moyen, fouteur de gueule professionnel, qui ne démissionne jamais, qui n’est jamais viré pour manque de résultats. Le JaGuy Show, premier épisode : Forget signe un tchèque en blanc à la Fédération.
C’était il y a moins d’un an, en quart-de-finale, à Winston Salem. L’équipe de France la plus prometteuse de l’histoire accrochait les Etats-Unis, sans son nouveau Noah. Une défaite honorable, et pour une fois, ce n’était pas la Russie. Guy était aux anges. « On peut tous faire des progrès. C’est ce qui nous poussera l’année prochaine à être encore plus forts. »
Mars 2009, le capitaine peut souffler, sa meilleure équipe de France de tous les temps a évité l’écueil tchèque. Elle courait le risque de se planter, de passer à côté de son premier rendez-vous commun entre Mousquetaires dans un vulgaire premier tour. Il n’en est rien, comme prévu par le cap’tain, Tsonga a joué et gagné le cinquième match. L’aventure continue, place aux barrages. Une équipe est en train de naître. « C’est très positif. »
Capitaine femmes
Septembre 2004, la France atteint pour la dernière fois de l’ère Forget une demi-finale. Une édition boudée des Dieux, Escudé et Clément jouent en simple. Depuis, Guy le friqué s’est vu offrir Richard Gasquet, qui malgré ses 22 ans, compte déjà presque 25 ans de carrière. Dont quatre ans de Coupe Davis, des matches au couteau sur le circuit. C’est sans doute un peu juste pour être aligné en simple face à deux joueurs aussi insignifiants que Berdie et Stepa. Simon est numéro un, il en touche pas une depuis le début de saison, n’a jamais joué en équipe. Au cas où, il prévient quand même son capitaine. Guitou n’a plus le choix. Simon jouera et avec un peu de chance, il aura même droit au match décisif. De toute façon, on lui reprocherait de ne pas le faire jouer.
C’est là qu’intervient la grande nouveauté de ce show 2009. Que faire du jeune Richard ? L’écarter ? Non, Guy n’aime pas Gaël Monfils. Après tout cette saison, l’ex-nouveau Noah n’est pas bien. Une finale, deux demies (dont celle de la semaine dernière) en cinq tournois, il manque encore un peu de confiance. Il sera remplaçant. « C’est très positif. »
Génération endort
L’idée fait son chemin dans l’esprit du capitaine : et si Gasquet faisait le double ? C’est pas si con, Gasquet n’est pas un joueur de double (60 matches depuis 6 ans), pas un seul match cette année, il ne joue jamais avec Llodra. « Ca peut faire des étincelles ». D’autant que la meilleure paire du monde n’est pas Française. Santoro a pris sa retraite depuis plusieurs années. Dommage, Guy se serait bien vu serrer la pogne pleine de blé de Fabrice, mais il aura d’autres occasions. Forget n’est-il pas son voisin en Suisse ?
Peu à peu, les rôles de chacun Safin. Tsonga est incontournable, Simon est numéro un, Llodra est bien là. Il ne manque qu’une seule clé, propre à la Coupe Davis : un capitaine décisif. Curieusement, jamais Forget n’a pu inverser par ses conseils la tendance d’un match, ou permis à une demi-portion de se sortir les doigts du cul. Mais bon, tant pis, cette fois l’équipe peut s’en sortir toute seule, elle est si forte. Ne les appelle-t-on pas les Mousquetaires en référence à leurs glorieux aînés ? Mais pourquoi Lacoste, Borotra, Cochet, Brugnon étaient-ils affublés d’un tel sobriquet ? Quoi, six victoires en Coupe Davis ? « C’est très positif. »
Ostrava grand
Les esprits chagrins souligneront que Gilles Simon s’est fait torcher par Berdych. Guy a de l’expérience, il savait que le stress pouvait jouer pour une première. Mais il est malin, donc il a compensé en s’appuyant sur sa toute nouvelle équipe de double : Gasquet-Llodra. Il n’a pas été déçu, l’avenir s’annonce radieux : « Cela conforte ce que je pensais de cette composition. Richard et Mika peuvent jouer à un très haut niveau ensemble. » Il a pourtant vu le même match que tout le monde : « Sur tout le match, c’est bon, le potentiel est là, mais deux ou trois petits points par çi par là nous coûtent le match. » Deux ou trois petits points qui en font à ce moment-là deux pour les Tchèques et un pour la France. Tout repose sur Gilles Simon, ce qu’il fallait éviter pour que Monfils ne le surnomme pas Paulo dimanche soir.
Mais Guy, c’est un grand fan du travail de Loïc Courteau. Alors, il tente le coup de poker : appliquer la recette dite de Roland Garros. « Gilles, il faut qu’il se sorte de l’esprit l’enjeu, le monde, le public hostile pour jouer son meilleur tennis. » En Coupe Davis, ça veut dire s’échauffer contre un mur ou Clément. Mais pour Nathan Lesermann comme pour tous les Mousquetaires, le temps est un allié. Lancer un gamin qui ne sait pas nager dans le grand bain, il peut s’en sortir, foutez lui des loups, il vous rendra le saladier. Surtout quand il vous prévient qu’il le sent pas, mais alors pas du tout. JaGuy n’avait vraiment plus le choix, il devait l’aligner.
Guy Forget se souvient, il avait lui aussi perdu ses premiers matches de Coupe Davis contre la Tchécoslovaquie. Il gagnera un autre saladier, il en est persuadé. A l’ancienneté, ça peut passer ? Ou peut-être bénéficiera-t-il d’une wild-card, on ne sait jamais.