France-Galles : Le temps des cathédrales

« C’est certainement la demi-finale la plus vilaine de l’histoire de la Coupe du monde. » Marc Lièvremont connaît donc un peu le rugby.

C’était peut-être la couleur des maillots gallois. Ou la coiffure de Toby Faletau. Toujours est-il que ce France-Galles a beaucoup ressemblé à France-Tonga, avec quelques repris de justice en moins dans les tribunes. Pour passer en finale, nos Bleus ont usé des mêmes stratagèmes que pour se hisser en quarts : un jeu stéréotypé, beaucoup de suffisance et des coups pieds ratés en enfilade. Il n’y a pas de secrets.

Maxime Médard a allumé au-dessus de l’Eden Park assez de chandelles pour éclairer Auckland pendant deux mois. Plutôt bien vu quand on a en face un ailier de près de 2 mètres. Mais dans un souci d’équité, on ne s’arrêtera pas trop longtemps sur les cas personnels : Mermoz et Rougerie n’ont pas eu la chance de toucher le ballon.

Des quiches au Poireau

Ceux qui s’inquiétaient de la vilaine tournure prise ces dernières années par le rugby mondial sont aujourd’hui rassurés. On peut toujours gagner un match avec trois pénalités et deux franchissements en quatre-vingt minutes. On peut aussi marquer zéro point en deuxième mi-temps et se qualifier pour une finale de Coupe du monde. L’amateurisme n’est pas mort.

Les choses ont heureusement un peu évolué depuis 1987 en matière de sécurité. Pour que plus jamais un joueur de Fédérale 3 n’ait à rentrer chez lui en fauteuil roulant le dimanche après-midi, les méchants placages cathédrale sont désormais interdits et on va bientôt supprimer l’impact en mêlée. Jean-Baptiste Poux a de l’avenir.

Halfpenny lane

Il faudra surtout retenir de ce match l’abnégation collective grâce à laquelle les Français ont pu résister pendant plus d’une heure à quinze contre quatorze. La mêlée bleue a à peine reculé quand Jamie Roberts a fait semblant de pousser à la place de Warburton et Vincent Clerc, Alexis Palisson, Thierry Dusautoir, Pascal Papé, Lionel Nallet, Morgan Parra et Dimitri Yachvili, entre autres, ont gardé leurs forces pour les All Blacks.

Heureusement, le Pays de Galles avait un buteur prognathe ce matin et Demicentime a raté pour la première fois depuis ses quinze ans une pénalité à moins de 70 mètres des poteaux. Et si les Poireaux ont tant vanté les bienfaits de la cryogénie pendant leur préparation, l’équipe de France, de son côté, a sans doute privilégié la lacrimogénie : elle est nulle à pleurer.

France-Angleterre : Moody soient-ils

La barre sera très haute pour Philippe Saint-André et Michel Polnareff en 2015.

De notre envoyé spécial permanent à Dargaville

Héroïques ! Incroyables ! Irréductibles ! On se demande avec quel adjectif L’Equipe va bien pouvoir barrer la Une de son édition Pdf aujourd’hui. La France a piétiné le champion d’Europe en titre et le monde lui tend maintenant les bras. Comment le trophée Webb et lisse pourrait échapper à une équipe aussi courageuse et solidaire ? Elle a retrouvé en une semaine des valeurs qu’elle n’avait plus montré depuis les cinq dernières minutes de son match contre le Canada. Toute la Nouvelle-Zélande tremble déjà et pas seulement autour de Christchurch.

Les fines bouches regretteront peut-être le point de bonus défensif abandonné aux Anglais en fin de match. Ce serait oublier trop vite cette copie parfaite rendue par nos Bleus : deux essais partout, seulement quinze placages ratés et trois points enquillés après la pause. Rien que ça ! Yachvili n’a même pas eu besoin de passer ses coups de pied. A quoi bon risquer des crampes après vingt-cinq minutes de jeu quand son équipe domine autant son sujet ? Les All Blues se sont retrouvés cette semaine autour d’une bière et ce n’est pas un arbitre alcoolique qui allait empêcher leurs gros d’entrer systématiquement en mêlée avant la fin du commandement.

Un Poux dans la tête

La grande Histoire de la Coupe du monde retiendra surtout l’abnégation de cette belle équipe d’Angleterre, qui y a cru jusqu’au bout après avoir lâché en première mi-temps autant de ballons que pendant toute sa campagne victorieuse de 2003. Wilkinson était déjà là et on se demande aujourd’hui s’il vaut mieux avoir à l’ouverture un faraud avec deux matches dans les jambes à ce poste ou un autre qui en a joué cinquante de trop ? Toby Flood a bien une idée, mais ses copains préfèrent le lancer de nains et Ashton réserve son plongeon Superman pour la partouze de ce soir.

Marc Lièvremont, lui, n’aura pas besoin d’échanger son ADN avec les femmes de chambre néo-zélandaises. Son caleçon est déjà bien humide, tant il a apprécié la performance de ses anciens joueurs. Sa stratégie était aussi fine que sa moustache naissante : emmener son équipe au casse-pipe et l’abandonner en cours de compétition pour qu’elle se débrouille toute seule. Il fallait y penser. Harinordoquy était tellement absorbé par ses nouvelles responsabilités de sélectionneur qu’il en a oublié de faire des placages. Mais tant que Dusautoir gardera son oeil du tigre et sa joie si communicative dans la victoire, tant que Rougerie ne se fera pas pénaliser plus de cinq fois par match et tant que Poux aura une colonne vertébrale, la France peut aller très loin dans ce Tournoi des 6 Nations.

Pendant ce temps-là, le Pays de Galles joue et gagne. Ce n’est donc pas incompatible.

NZ-France : Mealamu du slip

« On vient de perdre 47-17 en prenant trois, quatre ou cinq essais… » Que pouvait donc bien regarder Marc Lièvremont sur son ordinateur portable ?

De notre envoyé spécial sur le Mont Eden

Julien Bonnaire n’a même pas levé les bras au coup de sifflet final. Le seul qui avait dit tout haut en conférence de presse d’avant-match ce que toute l’équipe pensait tout bas (« si on doit gagner, tant pis ») a eu le triomphe modeste sur la pelouse d’Eden Park. La France venait pourtant de mettre son plan à exécution avec une précision diabolique : perdre exprès contre les Blacks pour éviter l’Afrique du Sud en demi-finale, mais pas trop exprès quand même pour que ces connards de journaleux néo-zélandais ne nous accusent d’avoir fait exprès de perdre. Lièvremont est un génie.

Mais qu’est-ce qu’il ne faut pas faire quand même pour faire croire à 60.000 éleveurs de moutons et quinze randonneurs expatriés qu’il valait mieux lâcher $460 que de se saouler à la Steinlager. Nos pauvres Bleus ont été obligés de jouer à fond pendant 8’15’’. On a alors vu Morgan Parra prendre autant d’intervalle (1) que Trinh-Duc en deux matches, mais on peut avoir 90% de domination territoriale, enchaîner gentiment les passes dans les 22 adverses et se prendre malgré tout un essai sur la première accélération de Nonu.

Ni vous Nonu

L’équipe type du moment de la météo du mois de septembre de Marc Lièvremont pouvait enfin se concentrer sur son quart-de-finale. Elle avait fait tout son possible, mais ces Blacks-là sont tout simplement trop forts. Tant pis, il faudra jouer l’Angleterre et le Pays de Galles pour espérer une finale et Picamoles a bien fait de ne pas essayer de plaquer Cory Jane sur le deuxième essai. Une blessure est si vite arrivée dans le rugby moderne.

Le rugby moderne, c’est ce que les All Blacks et l’Australie arrivent à faire quand on les laisse jouer. C’est tellement beau à voir que les gros français se sont arrêtés ce matin de plaquer à chaque fois que Dan Carter et le beau Sonny avaient le ballon. Ils attendront sûrement la finale pour les agresser et les empêcher de jouer comme en 2007 à Cardiff ou comme l’Irlande la semaine dernière pour battre les Kangourous.

Il vaut mieux cacher son jeu jusque-là et nos petits gars l’ont bien fait. Même la mêlée a fait semblant de reculer d’un mètre à chaque impact et Morgan Parra, qui a essayé de copier ce que faisait Dan Carter comme une danseuse de Madison règle son pas sur celui de sa voisine, est un bien meilleur acteur que ne pourraient le laisser penser ses publicités pour Clio.

Sons of a Hore

Un « carton », un « tampon », un « caramel », une « fistole » (sic), un « placage énorme » : Christian Jeanpierre n’avait bientôt plus assez de mots dans son dictionnaire des synonymes pour commenter ce « choc de titans ». Parce que les Néo-Zélandais, même s’ils auraient bien voulu et qu’ils ont joué toute la deuxième mi-temps en trottinant, n’avaient pas le droit, eux, de faire exprès de perdre. John Key ne leur aurait jamais pardonné.

Heureusement, la France a sauvé les apparences sur un essai dantesque de Mermoz. Une interception, zéro passe : ça valait bien un tour d’honneur à la fin du match, d’autant que le remplaçant de luxe François Trinh-Duc y est allé lui aussi de son essai à zéro passe. Et dire que Guirado est resté dans les tribunes.

Et si la vraie « French farce » était d’avoir gardé pendant quatre ans un sélectionneur aussi compétent que son prédécesseur ?

BONUS LE VESTIAIRE : THIERRY LACROIX ET LA BANNIERE

« Ca fait que 19-0, c’est pas énorme. Je suis très satisfait de cette première mi-temps. »

« Si la suite est logique, la France retrouvera les Blacks en finale. »

« Ils ont par marqué en étant meilleurs que nous, ils ont marqué sur nos erreurs… »