Le foot féminin est bien du foot : quand un sélectionneur se plante, il charge les autres.
26 tirs à 4, on ne va pas vous refaire l’histoire qu’on vous a déjà contée il y a deux jours, l’équipe de France a perdu pour les mêmes raisons que les fois précédentes. Dans les cénacles, depuis plusieurs décennies, la notion d’inefficacité contrecarre les desseins des plus éminents sélectionneurs de notre temps. Quasi-indéchiffrable. C’est un mystère auquel il est douloureux de se heurter. Il le faut, car le piège serait de croire qu’en fait, tout est de la faute d’un sélectionneur à l’allure débonnaire, au verbe facile qui ne parle que de projet de vie, et qui mènerait son équipe en quart de finale de l’Euro contre une équipe même pas vraiment qualifiée en changeant son équipe qui avait tout gagné jusque-là. Avant de changer au bout de vingt minutes parce que ça va pas et que l’équipe même pas vraiment qualifiée mène au score. « Quand on est coach, on pense que c’est la meilleure composition possible. On l’avait choisie ensemble, avec les cadres de l’équipe », a d’ailleurs assumé l’homme à femmes, dans un élan de courage et d’autorité. Évidemment, faire rentrer ensuite de meilleures joueuses à la place de moins bonnes n’a pas été loin d’être un coaching gagnant. Il s’en est fallu d’une quinzaine de centres de Thomis, d’une dizaine de positions de frappe de Le Sommer et d’un coup franc sur la barre d’Abily pour que ça ne paie. La faute à pas de chance comme nous l’a écrit l’un des fondateurs du Vestiaire, d’un texto à la mi-temps : « alors 4-0 pour la France ? ». La réponse fut un choc, comme le 8 avril 1994.
Délie de droit commun
Mais Bruno Bini ne mériterait pas qu’on tombe dans le piège du sélectionneur qui ne s’inquiète pas après un match à 20 face-à-face ratés contre l’Australie cinq jours avant l’Euro. Ce serait ingrat. Cette équipe, il l’a façonnée. France-Danemark a rappelé à certaines de ses joueuses le France-Pays-Bas de l’Euro 2009, un quart de finale perdu aux tirs au but après avoir tourné autour du but néerlandais pendant 120 minutes. Il y avait eu 0-0, cette fois la France a marqué et est revenue à 1-1 contre le Danemark : Bruno est un homme de progrès. Et il a réussi ça sans sa buteuse, Marie-Laure Délie. Encore la faute à pas de chance : quel autre sélectionneur dans l’histoire s’est qualifié pour une demi-finale en étant privé de sa titulaire en attaque ? Lui reprocher de ne pas avoir trouvé de solution serait proprement dégueulasse et d’ailleurs l’Equipe n’est pas tombée dans la panneau, allant jusqu’à noter que le Danemark n’avait rien à perdre comme à l’Euro masculin 1992 où elle avait éliminé la France. Bien vu.
Dans ce cas-là, pourquoi rappeler qu’il était sélectionneur à chaque fois que la France a fini 4e (Mondial 2011, JO 2012), que c’était encore lui en amical en février quand l’Allemagne est revenue de 3-1 à 3-3, puis en mars quand la France n’a toujours pas réussi à battre le Brésil, puis en avril quand le Canada a égalisé à la 95e ? Ce serait insinuer que sa France se chie dessus à la moindre occasion et que lui arrive en conférence de presse en livrant des analyses tactiques du genre « les Canadiennes n’ont pas passé le milieu du terrain ! On a eu une maîtrise totale du match », ou « Dans une société où les riches sont de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres, où il n’y a pas beaucoup de boulot, les Français ont vu 21 filles simples se mettre minables jusqu’au bout. Ils ont vu 21 filles ordinaires avec un coach ordinaire, ça leur a bien plu. »
L’image pas Bini
Si la France a de bons joueurs mais n’en fait rien depuis dix ans, si les avant-centres françaises ne prennent pas plus de ballon de la tête que les hommes et que donc ça sert à rien de centrer, si Zidane n’a pas de sœur qui joue au foot, ce n’est pas de sa faute, pas plus que celle de Houiller ou Domenech qui a déjà joué une finale. Parce qu’au fond on s’en fout des résultats, comme des échecs retentissants. Le plus important, c’est qu’il est atypique, sympa, marrant avec la presse et qu’il cite des auteurs célèbres à ses joueuses mais aussi à la presse qui le trouve encore plus marrant. Ses joueuses trouvent les citations, mais aussi le chantage, les sélections douteuses et tout le reste un peu moins marrant à la longue. De toute façon il vaut mieux positiver parce qu’il avait négocié une reconduction de 2 ans si la France allait à l’Euro. Mission accomplie.
Pendant ce temps-là, les filles passent à la télé grâce à lui. C’est bien le plus important. Sinon à Lyon il y a un entraîneur qui a joué trois finales de Ligue des Champions féminine et gagné deux titres. Et il aurait pas fait comme Bini puisqu’il l’aime pas.