« On vient de perdre 47-17 en prenant trois, quatre ou cinq essais… » Que pouvait donc bien regarder Marc Lièvremont sur son ordinateur portable ?
De notre envoyé spécial sur le Mont Eden
Julien Bonnaire n’a même pas levé les bras au coup de sifflet final. Le seul qui avait dit tout haut en conférence de presse d’avant-match ce que toute l’équipe pensait tout bas (« si on doit gagner, tant pis ») a eu le triomphe modeste sur la pelouse d’Eden Park. La France venait pourtant de mettre son plan à exécution avec une précision diabolique : perdre exprès contre les Blacks pour éviter l’Afrique du Sud en demi-finale, mais pas trop exprès quand même pour que ces connards de journaleux néo-zélandais ne nous accusent d’avoir fait exprès de perdre. Lièvremont est un génie.
Mais qu’est-ce qu’il ne faut pas faire quand même pour faire croire à 60.000 éleveurs de moutons et quinze randonneurs expatriés qu’il valait mieux lâcher $460 que de se saouler à la Steinlager. Nos pauvres Bleus ont été obligés de jouer à fond pendant 8’15’’. On a alors vu Morgan Parra prendre autant d’intervalle (1) que Trinh-Duc en deux matches, mais on peut avoir 90% de domination territoriale, enchaîner gentiment les passes dans les 22 adverses et se prendre malgré tout un essai sur la première accélération de Nonu.
Ni vous Nonu
L’équipe type du moment de la météo du mois de septembre de Marc Lièvremont pouvait enfin se concentrer sur son quart-de-finale. Elle avait fait tout son possible, mais ces Blacks-là sont tout simplement trop forts. Tant pis, il faudra jouer l’Angleterre et le Pays de Galles pour espérer une finale et Picamoles a bien fait de ne pas essayer de plaquer Cory Jane sur le deuxième essai. Une blessure est si vite arrivée dans le rugby moderne.
Le rugby moderne, c’est ce que les All Blacks et l’Australie arrivent à faire quand on les laisse jouer. C’est tellement beau à voir que les gros français se sont arrêtés ce matin de plaquer à chaque fois que Dan Carter et le beau Sonny avaient le ballon. Ils attendront sûrement la finale pour les agresser et les empêcher de jouer comme en 2007 à Cardiff ou comme l’Irlande la semaine dernière pour battre les Kangourous.
Il vaut mieux cacher son jeu jusque-là et nos petits gars l’ont bien fait. Même la mêlée a fait semblant de reculer d’un mètre à chaque impact et Morgan Parra, qui a essayé de copier ce que faisait Dan Carter comme une danseuse de Madison règle son pas sur celui de sa voisine, est un bien meilleur acteur que ne pourraient le laisser penser ses publicités pour Clio.
Sons of a Hore
Un « carton », un « tampon », un « caramel », une « fistole » (sic), un « placage énorme » : Christian Jeanpierre n’avait bientôt plus assez de mots dans son dictionnaire des synonymes pour commenter ce « choc de titans ». Parce que les Néo-Zélandais, même s’ils auraient bien voulu et qu’ils ont joué toute la deuxième mi-temps en trottinant, n’avaient pas le droit, eux, de faire exprès de perdre. John Key ne leur aurait jamais pardonné.
Heureusement, la France a sauvé les apparences sur un essai dantesque de Mermoz. Une interception, zéro passe : ça valait bien un tour d’honneur à la fin du match, d’autant que le remplaçant de luxe François Trinh-Duc y est allé lui aussi de son essai à zéro passe. Et dire que Guirado est resté dans les tribunes.
Et si la vraie « French farce » était d’avoir gardé pendant quatre ans un sélectionneur aussi compétent que son prédécesseur ?
BONUS LE VESTIAIRE : THIERRY LACROIX ET LA BANNIERE
« Ca fait que 19-0, c’est pas énorme. Je suis très satisfait de cette première mi-temps. »
« Si la suite est logique, la France retrouvera les Blacks en finale. »
« Ils ont par marqué en étant meilleurs que nous, ils ont marqué sur nos erreurs… »